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forment à la longue des terrains nouveaux qui un jour apparaissent à la surface et s’ajoutent au domaine de l’homme. Les foraminifères, les diatomées, les coraux, les éponges, les madrépores, tout ce monde chaotique d’êtres infimes placés au seuil de la vie travaille sans cesse à la trame d’une terre nouvelle. Ces architectes invisibles s’emparent de l’acide carbonique, du calcaire et de la silice apportés par les fleuves, et rebâtissent en bas ce que les cours d’eau, les pluies et les vents démolissent en haut. La plupart des matériaux disséminés à la surface du globe n’ont pas d’autre origine. Burmeister fait remarquer que la chaux, la craie, la dolomie, sont des roches qui ont été mangées et digérées par des animalcules semblables à ceux qui peuplent nos mers actuelles. Le fond de l’océan est le berceau des terres.

L’océan exerce d’ailleurs sur le relief de la terre ferme une action à distance d’une très grande énergie. Les nuages et les pluies dont il est la source intarissable, les ouragans qu’il envoie périodiquement dévaster la surface des continens, sont des agens de destruction qui travaillent sans cesse à niveler les aspérités du sol. Les glaciers, qui polissent les roches et façonnent les flancs des vallées, les cours d’eau, qui ravagent l’écorce du globe, dissolvent les rochers et emportent les terrains par lambeaux, ce sont les vapeurs marines retournant au bassin d’où elles sont venues. Les innombrables rivières qui entretiennent la vie sur le globe sont également des émissaires de l’océan; M. Reclus les compare à un « système de veines et de veinules rapportant au grand réservoir océanique les eaux déversées sur le sol par le système artériel des nuages et des pluies. » La mer exerce enfin une influence capitale sur les climats terrestres; elle fond les contrastes, adoucit les rigueurs du soleil tropical et des glaces polaires, et nous apparaît partout comme la puissante médiatrice entre les forces naturelles qui se partagent le règne du globe.

Envisagée sous ces points de vue généraux, la géographie physique de la mer offre un intérêt immense. M. Reclus commence par nous faire connaître le lit de l’océan tel que nous le révèlent les nombreux sondages exécutés par les navigateurs. Quoique les matériaux acquis par ce moyen soient encore bien incomplets, si on les compare à l’étendue qui reste à explorer, et si on songe que nous ne pouvons connaître le fond des eaux que par le toucher, à la manière des aveugles, il faut cependant convenir que l’ensemble des résultats que nous possédons déjà est en lui-même fort imposant. On est surpris de voir figurer sur les cartes de M. Reclus les détails minutieux des coupes et profils océaniques, composés d’après des milliers de sondages; c’est surtout la pose des câbles sous-marins qui a récemment donné un nouvel élan à ces études si difficiles et si longues à exécuter. La partie la mieux connue de l’océan est l’Atlantique du nord; c’est une dépression dont les pentes descendent graduellement vers une cuve centrale située entre les États--