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Mariage, en six parties, traitant successivement de la jeune fille, de l’amoureux, de la fiancée, de la femme, de la mère, de la veuve, — le Miroir d’autrefois et d’aujourd’hui, etc. Nous reviendrons sur ces poèmes, dont les titres indiquent la tendance commune.

Son idylle fut enfin troublée par des événemens graves. En 1621, la trêve de douze ans expira, et l’espoir qu’on avait de la renouveler fut déçu. L’Espagne, qui s’était un peu refaite, ne voulait pas se désister de ses prétentions sur les Provinces-Unies, et la guerre recommença. Toutefois la république néerlandaise s’était fortifiée aussi dans cet intervalle, et depuis lors elle marcha rapidement à l’apogée de la puissance et de la prospérité. Le prince Maurice, qui avait succédé à son glorieux père le Taciturne, s’était montré digne de lui par ses talens militaires et diplomatiques, bien que l’intérêt quasi-dynastique de sa maison eût parfois obscurci son jugement et sa conscience. Pendant la trêve, les villes maritimes avaient littéralement amoncelé la richesse. La mort de Maurice (1625) n’arrêta point cette ascension continue. Son frère Frédéric-Henri, plus tolérant que lui, non moins vaillant capitaine, lui succéda comme stathouder ou protecteur militaire de la confédération. La guerre contre l’Espagne fut soutenue avec une énergie qui rappelait les plus héroïques momens de la première insurrection. Bois-le-Duc, la Vierge brabançonne, qui n’avait jamais été prise, fut enlevée après un long siège. Le Brabant, arraché à l’Espagne, servit de rempart aux provinces libres. L’amiral Pieter Hein surprit sur les côtes du Nouveau-Monde la flotte d’argent, qui portait en Europe les trésors du Mexique et du Brésil, et ramena dans le port d’Amsterdam ses vaisseaux victorieux chargés d’un butin qu’on estima supérieur à 25 millions de francs. Il faudrait tripler aujourd’hui pour avoir une somme équivalente[1].

Ces prospérités publiques furent, comme il arrive souvent, achetées au prix de plus d’un malheur privé, et le brave Cats fut parmi les victimes. Ses beaux polders de Flandre durent ou retourner sous l’eau, ou subir la confiscation. De là des procès, des chicanes, des pertes, et enfin sa résolution d’accepter le poste, du reste fort honorable, qu’on lui offrait à Middelbourg. Il y fut nommé pensionnaire de la ville. Ce nom d’une des principales fonctions muni-

  1. Ce Pieter Hein, vrai loup de mer hollandais, était enfant d’une pauvre famille de Delfshaven, près Rotterdam. Il ne comprit jamais très bien pourquoi on lui avait rendu tant d’honneurs à son retour. Lorsque, plusieurs années après, il mourut victime de son courage dans une rencontre avec les corsaires de Dunkerque, les états envoyèrent une députation chez sa mère pour lui exprimer leurs regrets. La bonne femme comprit encore moins que son fils. « Je l’avais bien prévu, leur dit-elle; Pieter n’aimait qu’à courir. J’ai fait mon possible pour le corriger. Il n’a eu que ce qu’il méritait. »