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Scène IV.

MADAME DE QUEYREL, MADAME VALERY.
Madame de Queyrel.

À son âge, c’est prodigieux ! Quel exemple ! qu’en dites-vous ? Quel exemple !

Madame Valery.

Je ne vous comprends pas, que voulez-vous dire ?

Madame de Queyrel.

Je dis : Quel exemple à éviter que celui de madame Davoy ! N’avez-vous pas remarqué qu’elle est dévorée par la jalousie ?

Madame Valery.

Fameux morceau pour la jalousie !

Madame de Queyrel.

Oh ! ne riez pas, ma chère ; elle est bien à plaindre, la pauvre femme ! J’ai ce défaut-là en horreur !

Madame Valery.

Et vous avez bien raison. C’est un mal qui ronge.

Madame de Queyrel.

C’est sot, c’est niais, c’est inutile, c’est la plus monstrueuse des infirmités. Tenez, je vous le dis franchement, si on m’avait donné à choisir entre deux hommes, l’un boiteux, l’autre jaloux, je vous jure que j’aurais pris le boiteux.

Madame Valery.

Cependant un boiteux !…

Madame de Queyrel.

Il fourre un jeu de cartes dans sa botte, et tout est dit, tandis qu’un jaloux !…

Madame Valery.

Je ne vous dis pas ; cependant il y a peut-être des distinctions à faire : ainsi, tenez…

Madame de Queyrel.

Du tout, du tout, aucune distinction. Un défaut est un défaut ; on doit le détester sous quelque forme qu’il se présente.

Madame Valery.

Sans contredit ; mais supposez par exemple…

Madame de Queyrel.

Non, non, c’est une faiblesse que de transiger avec sa conscience et de dire : Ceci est mal dans telle circonstance et bien dans telle autre.

Madame Valery.

Voyons, réfléchissez : voilà une femme qui adore son mari, — je prends la première venue…

Madame de Queyrel.

Supposons, je ne demande pas mieux.