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public le sentait bien, les prélats en avaient conscience ; mais personne ne le savait mieux que le signataire du concordat et le rédacteur des articles organiques. Depuis la signature du contrat synallagmatique passé entre le premier consul et la cour de Rome, par suite de la législation mise alors en vigueur, par suite des habitudes qu’ils avaient laissé prendre au chef de l’état et aux représentans de l’autorité civile, par suite de celles qu’ils avaient contractées eux-mêmes, les évêques, qu’ils l’eussent ou non voulu, étaient devenus, bien plus que sous l’ancien régime et fort au-delà de ce qui était juste, naturel ou seulement convenable, de véritables fonctionnaires publics simplement préposés dans la pensée de Napoléon au gouvernement des choses religieuses. C’était sur ce pied que l’empereur avait résolu d’en agir désormais avec eux, et tel avait bien été le cachet particulier et très marqué que dès le premier jour il avait entendu donner à ses relations officielles avec le concile national. D’avance, il ne faut pas l’oublier, il avait pris soin de régler par lui-même le fond, la forme et les limites des délibérations. N’y voulant pas assister de sa personne, il y avait envoyé les deux ministres des cultes de France et d’Italie, non-seulement pour agir et parler en son nom, mais aussi, suivant ses propres expressions, pour faire la police de l’assemblée, et afin qu’à défaut du maître ils fussent en état d’exercer de visu la surveillance la plus directe et la plus minutieuse sur la manière dont leurs subordonnés, les évêques des deux pays, allaient exercer leur mandat[1]. Ce n’est pas tout. Libre de son temps, que n’absorbait pas, à beaucoup près, la direction lointaine à donner à la guerre d’Espagne, tout entier, pour le moment du moins, aux questions théologiques, qui intéressaient vivement son vif et subtil esprit, causant presque chaque soir dans les salons de Saint-Cloud avec son oncle, le président du concile, avec son premier aumônier, l’archevêque de Malines, de préférence encore avec l’archevêque de Tours et surtout avec l’évêque

  1. Il est permis de supposer que l’empereur aurait même voulu que ses deux délégués, MM. Bigot de Préameneu et Marescalchi, prissent personnellement part aux délibérations du concile. A la première congrégation générale, M. Bigot, si naturellement réservé, et qui n’était guère disposé à rien prendre sur lui sans instructions positives, essaya de hasarder quelques mots au sujet, il est vrai, d’une question de règlement intérieur. L’étonnement et le scandale furent assez grands parmi les membres du concile. Les plus vifs lui firent remarquer que cela était déjà beaucoup de tolérer sa présence. Les prélats plus particulièrement attachés à l’empire, remarquant l’émotion de leurs collègues, supplièrent alors M. Bigot de ne pas insister, et par le fait ces deux ministres, ; en laissant à l’occasion clairement voir leurs sentimens et tout en s’entretenant parfois à voix basse avec leurs partisans avérés, s’abstinrent désormais de formuler leur opinion à haute voix. — (Journal de M. de Broglie, évêque de Gand, et relation manuscrite du concile de 1811 trouvée dans ses papiers.)