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de Nantes, si fort empressés tous deux à lui faire part de leur science canonique, l’empereur avait de plus en plus arrangé dans sa tête qu’à l’aide de si habiles auxiliaires il lui serait aisé de se rendre le maître absolu du concile. Comme toujours, le cardinal Fesch s’était d’avance porté fort auprès de lui pour tous ses collègues. Il avait clairement donné à entendre qu’il avait si bien préparé les choses qu’en toute occasion l’assemblée lui laisserait par déférence le soin de désigner lui-même les membres de ses diverses commissions. Il ferait attention de n’y admettre que des prélats sûrs et prudens, et parmi eux ceux-là surtout que l’empereur daignait honorer de sa confiance particulière. Ces évêques auraient toute facilité pour s’entendre avec lui chaque jour dans des conférences familières et secrètes. Ils seraient ainsi assurés de ne jamais proposer à leurs collègues que des résolutions déjà débattues en présence du souverain, convenues avec lui, et qui ne risqueraient pas de contrarier ses vues. Tout se passerait, pour ainsi dire, en famille, et de cette façon le Charlemagne des temps modernes, sans avoir été un instant compromis devant un public indifférent ou railleur, et tout en ménageant ostensiblement, s’il s’en rencontrait, les susceptibilités des prélats les plus ombrageux, n’en demeurerait pas moins autant que l’empereur des temps passés le véritable théologien du concile assemblé sous son règne et l’arbitre définitif des questions que, pour la forme seulement, il aurait eu l’air de lui soumettre. La combinaison était admirable. Par malheur, ce dessein si bien conçu avait commencé par recevoir un assez rude échec, lorsque, contre toute probabilité et malgré la prétention, il est vrai, assez vite retirée de leur président, les évêques convoqués à Notre-Dame avaient témoigné la volonté de nommer eux-mêmes au scrutin secret la commission chargée de rédiger l’adresse à l’empereur. Que voulait dire cet acte inattendu, et que fallait-il en conclure ? Était-ce simple inadvertance, ou bien fallait-il y voir une velléité d’opposition ? Cette incertitude allait être à peu près éclaircie par ce qui se passerait dans l’intérieur de la commission de l’adresse, et cela seul donnait quelque intérêt à ses futures délibérations, car il ne s’agissait en aucune façon de répondre encore au message par lequel l’empereur avait clairement posé la question de l’institution canonique. Une autre commission, qui ne se réunit que plus tard, devait remplir cette tâche autrement importante. Dans la pensée de la majorité du concile, les membres qu’ils venaient de choisir n’avaient alors rien de plus à faire qu’à leur apporter un de ces projets d’adresse, conçus en termes respectueux, vagues et généraux, qui servent aux assemblées délibérantes à témoigner de leur respect et de leur reconnaissance pour le prince qui daigne consentir à prendre leurs