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remplacé par un simple binage avec la pioche à double pointe, qui n’entame pas le sous-sol et ménage les racines des arbres.

C’est ordinairement lorsque le bois a de douze à vingt ans que la truffière atteint le maximum de production. Cette prospérité peut être maintenue tant que les chênes restent vigoureux ; elle décroît à mesure qu’eux-mêmes déclinent. S’il arrive souvent qu’une truffière donne moins de tubercules et semble s’épuiser alors que les chênes ont une vingtaine d’années seulement, il est facile de relever ses récoltes en éclaircissant sa plantation. Le libre accès de l’air et de la lumière est en effet une des conditions les plus indispensables de succès. C’est même là ce qui explique pourquoi l’on ne trouve jamais ces champignons souterrains dans les cultures forestières très serrées ni dans les endroits que le feuillage des branches recouvre d’aine ombre trop épaisse. Il faut cependant bien se garder de laisser le sol sans abri de verdure. Si on coupe les grosses branches des vieux chênes, on diminue la production ; si on recèpe les arbres, on la supprime brusquement.

Lorsqu’on a été assez heureux pour réaliser toutes les conditions favorables à cette végétation capricieuse, les longues fibrilles du mycélium s’emparent du terrain avec une telle énergie et en absorbent si bien tous les élémens nutritifs que les plantes qui croissaient à la surface dépérissent visiblement. C’est un des signes auxquels on reconnaît un gisement de ces cryptogames. Les herbes y ont un aspect languissant, les mousses même y périssent. Si les truffes sont assez rapprochées de la superficie, elles dessèchent et fendillent la terre. Un autre symptôme, que ne dédaignent pas les observateurs habiles, c’est la présence fréquente d’essaims de mouches au-dessus des points où elles se développent, même en été, alors que, n’étant pas encore mûres, elles n’exhalent qu’un vague et fade parfum. Tous ces indices seraient insuffisans pour opérer une récolte régulière et complète ; mais ils fournissent trop souvent aux maraudeurs les moyens de se livrer à une cueillette furtive « et de produire beaucoup de dégâts ». Après avoir rôdé tout le jour autour des truffières, et noté tous les phénomènes capables de les éclairer sur la place exacte des gisemens, ils reviennent pendant la nuit armés de pioches, fouillent et bouleversent le sol aux endroits qui leur ont paru favorables, n’en retirent souvent que peu de truffes mures et comestibles, arrêtent le développement des autres, troublent le travail souterrain de la fructification et gaspillent quelquefois toute la récolte. Les maraudeurs sont pour cette culture, plus encore que pour toute autre, un véritable fléau.

Lorsque la récolte s’effectue normalement, en plein soleil, on utilise, comme on sait, pour faciliter les recherches l’instinct de certains animaux doués d’un odorat des plus fins et dressés à cet usage.