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M. Bigot n’avait dit que la vérité à l’évêque de Montepulciano. La très grande majorité des évêques était maintenant acquise au récent projet de l’empereur. Chose singulière, c’était son propre oncle qu’il avait eu le plus de peine à persuader. Une conférence préliminaire avait eu lieu le 27 juillet chez le ministre des cultes entre les quatre-vingt-trois prélats qui étaient encore présens à Paris. Jamais le cardinal Fesch n’avait voulu y assister, encore moins la présider[1]. Cette résolution, toutefois ne dura guère. Le 3 août suivant, l’empereur, désormais assuré de l’assentiment des évêques, ayant décidé que le concile reprendrait immédiatement ses séances, le cardinal accepta de les présider, sans qu’il fût besoin pour cela de l’envoyer chercher par quatre fusiliers.

Quand Mmes de Murat et de Lameth apprirent que le concile allait être de nouveau réuni, elles se rendirent chez le cardinal Fesch pour lui parler encore une fois de l’évêque de Gand. — « Que voulez-vous que je fasse ? je ne puis rien, leur dit-il ; je ne suis pas bien avec l’empereur, et je n’ai aucun crédit. Ce matin, j’ai parlé en sa faveur, mais inutilement. L’empereur m’a d’ailleurs paru un peu moins irrité. — Cela paraîtrait indiquer, reprit Mme de Murat, qu’il ne serait pas fâché de voir les évêques du concile réclamer la liberté de leurs collègues. Si son éminence voulait bien en faire la motion, tous les évêques se joindraient certainement à lui, car ils avaient tous été attaqués dans la personne des trois malheureux prisonniers. — Cela est bien vrai, dit le cardinal ; mais je ne puis ouvrir cet avis. De ma part, cela serait considéré comme un acte de révolte. « Il était persuadé d’ailleurs que peu de prélats parleraient en faveur des prisonniers et qu’ils ne seraient pas soutenus par les autres. « Que voulez-vous ? D’un côté on a peur de Vincennes, de l’autre on craint de perdre ses revenus. — Mais, monseigneur, il y a des occasions où il est bien honorable d’être dépouillé de tout ; on a du moins pour soi la paix de sa conscience, qui est d’un plus grand prix. — Vous en parlez comme une vraie sainte. » A quoi Mme de Murat répondit : « N’est-ce donc pas aux évêques à nous donner l’exemple ? » Tel n’était pas apparemment l’avis du cardinal, il se bornerait, quant à présent, à faire tout ce qui dépendrait de lui pour empêcher le schisme. « Nous sommes, ajouta-t-il, dans une position terrible ; sans cela, je n’aurais jamais consenti à aller à l’assemblée de demain, que je ne regarde nullement comme un concile. Il n’y a plus eu de concile depuis le jour où ces messieurs ont été arrêtés. Ce jour-là, la liberté a cessé. Or il ne peut y avoir de concile sans liberté. Le concile n’a

  1. Lettres du cardinal Fesch à M. Bigot de Préameneu en date des 26 et 27 juillet 1811.