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courts séjours qui signalèrent son principat. Il approuva de grand cœur la proposition d’Innocent en ce qui concernait la convocation des évêques occidentaux ; mais, souvent inconsidéré, soit qu’il traitât ses propres affaires, soit qu’il s’ingérât dans celles des autres, il se porta fort pour son frère Arcadius, à qui il appartenait de convoquer les évêques d’Orient. La suite prouva qu’en prenant un tel engagement Honorius avait trop présumé de son influence fraternelle sur ce collègue, et pas assez de celle de l’impératrice Eudoxie. Tandis que le pape de Rome vaquait ainsi avec sa sagesse accoutumée aux préliminaires du concile, Vénérius de Milan et Chromatius d’Aquilée, armés des deux lettres de Chrysostome, travaillaient à lui gagner des amis parmi les évêques de la Haute-Italie. Les bons offices de Vénérius méritèrent les remercîmens du persécuté, qui lui écrivit deux fois du fond de son exil, et Chromatius reçut de son zèle à soutenir cette juste cause un témoignage plus éclatant encore dans un rescrit de l’empereur Honorius. Tout livré qu’il était aux soins matériels, Innocent ne négligeait point les moyens spirituels qui pouvaient appeler sur sa sainte entreprise l’appui et la bénédiction du ciel. Il ordonna un grand jeûne dans toute l’étendue de l’église romaine, et on le vit lui-même, donnant l’exemple, invoquer avec larmes au pied des autels la miséricorde de Dieu pour le retour de la justice parmi ses frères et le rétablissement de l’union dans les églises.

En même temps il écrivit deux lettres : l’une à Chrysostome en réponse au mémoire d’appel, l’autre à Théophile, lui signifiant sa prochaine convocation au concile œcuménique. La première est empreinte d’une réserve que l’on conçoit fort bien de la part d’un futur juge ; toutefois, sous ces froides apparences, on voit percer une noble confiance dans le bon droit de l’accusé et une ardente compassion pour ses maux. « Il ne faudrait pas, mon très vénérable frère, lui écrivait-il, que l’affliction eût plus de force pour vous abattre que la bonne conscience pour vous consoler. Étant, comme vous êtes, maître et pasteur de tant de peuples, vous n’avez pas besoin qu’on vous remontre que les persécutions ne font qu’éprouver la vertu, quand la vertu se montre supérieure à leur violence. La bonne conscience en effet est un invincible rempart contre tous les accidens injustes, et ceux qui ne les savent point endurer patiemment et avec résignation découvrent, par cette lâcheté même, le mauvais état de leur âme… La vôtre, purifiée grâce à de longues souffrances, sera conduite au port par la miséricorde du Sauveur, qui vous regarde et vous considère du haut du ciel. »

La seconde, écrite d’un style tout différent, fait voir assez le peu d’estime d’Innocent pour le patriarche d’Alexandrie, et comment il appréciait déjà sa conduite. Elle était conçue en ces termes : « Mon