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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


frère Théophile, nous avons résolu de recevoir dans notre communion vous et Jean notre frère, ainsi que nous vous l’avons déjà déclaré. Persistant dans le même sentiment et dans la même volonté, nous ne pouvons que vous répéter la même chose. Quand vous nous écririez là-dessus mille fois, il n’est pas possible que nous nous séparions de la communion de Jean, sinon après un jugement équitable et légitime, attendu que nous sommes instruit de ce qui s’est passé là-bas d’étrange et de condamnable. Si donc vous êtes sûr de votre conscience, rendez-vous promptement vous-même au concile qui doit se tenir bientôt en Jésus-Christ, et mettez-vous en état d’y procéder selon les canons et décrets du concile de Nicée, car l’église romaine n’en reçoit point d’autres en ces matières. » — Cette déclaration regardait les canons d’Antioche. — « Que la raison soit de votre côté, et je n’hésiterai pas à reconnaître l’excellence de votre cause. »

Cette lettre parvint sans encombre à Théophile ; l’autre, confiée au diacre Cyriacus, n’eut pas le même bonheur : les événemens s’étaient précipités dans l’intervalle, et Chrysostome n’était déjà plus à Constantinople.

V.

Tandis que ces choses se passaient à Rome, la faction ennemie de Chrysostome, inquiète de ce qui pouvait arriver et irritée des lenteurs d’Arcadius, contre lesquelles se brisaient jusqu’aux volontés impérieuses d’Eudoxie, cherchait quel incident nouveau pouvait décider cet esprit flottant ou trancher l’affaire sans lui. Ce que redoutaient surtout Sévérien et les évêques ses complices, c’était une intervention de l’église romaine et de l’empereur Honorius, qui changerait leur querelle privée en question d’état ; leur impatience d’en finir était devenue comme de la rage. Des hauts rangs de l’épiscopat, cette agitation haineuse descendait jusque dans les bas-fonds où le crime paraît un moyen naturel de dénouer une difficulté. Un homme faisant toutes les contorsions d’un possédé du diable alla s’établir un matin devant le palais où l’archevêque était détenu, épiant, au milieu de ses simagrées qui détournaient l’attention, le moment où les portes s’ouvriraient pour se précipiter dans la cour et gagner le vestibule. Il le fit en effet ; mais on eut le temps de le saisir, et on le trouva armé d’un poignard. Nul ne douta qu’il n’eût le dessein de tuer Chrysostome, et la foule attirée par le bruit le conduisit devant le préfet de la ville pour qu’il y fût interrogé ; Chrysostome, informé du fait, envoya demander aussitôt la grâce de cet homme. Le préfet ne se le fit pas dire deux fois.

Quelques jours après, la même aventure fut tentée par un autre