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de matière, mais toujours rempli de cette chose sans forme, sans parties, qui se manifeste à nous comme force. « Le principe intermédiaire, dit M. Hirn, échappe par sa nature même aux conditions finies du temps et de l’espace. Toute idée de masse, de densité, de divisibilité, de compressibilité, qu’on essaierait d’y ajouter, mène droit à l’absurde. En aucun sens, ce principe ne peut être comparé, même à titre de pure image, à un gaz dilué. En aucun sens non plus, on ne doit le confondre avec ce qui avait été appelé jusqu’ici l’éther… L’élément intermédiaire constitue la force elle-même. »

On peut trouver que dans cette conception l’éminent observateur s’est laissé entraîner hors du domaine scientifique ; qu’est-ce que la science positive peut nous apprendre sur un élément qu’il déclare « transcendant, » c’est-à-dire indépendant de toutes les conditions finies du temps et de l’espace ? Il défend même à l’imagination de chercher une représentation quelconque de ce principe et des qualités qui le constituent. Ayant posé ces prémisses, il lui est très facile de transporter en quelque sorte toutes les lois de la dynamique moderne sur ce principe nouveau ; il suffit pour cela de substituer aux ondulations des atomes des variations périodiques dans l’intensité du principe intermédiaire. « Une onde transcendante n’est autre chose qu’un espace dans lequel varie périodiquement l’intensité d’une force qui ne s’exerce pas actuellement sur deux points matériels. » Quand cette onde vient toucher les corps matériels, le dunamis se change en force proprement dite, et il se manifeste un accroissement ou une diminution dans les tensions qui sollicitent ces corps. Jamais le casuisme théologique n’a mieux joué avec les idées et les mots. Il est facile de concevoir que, dès qu’on attribue aux ondes transcendantes toutes les propriétés des ondes matérielles, on puisse se donner la double satisfaction d’être complètement d’accord avec la science, et d’avoir inventé un principe transcendant. On ne se contente même pas d’un seul, on en crée plusieurs ; par des raisons du reste excellentes, on distingue le principe gravifique ou la gravité, le principe calorifique et le principe électrique (auquel sont attribués tous les phénomènes chimiques). Ces trois forces ou principes transcendans remplissent l’infini ; ils se mêlent sans se troubler : ne sont-ils pas indépendans de l’espace ? De même qu’il y a plusieurs espèces d’atomes, pourquoi n’y aurait-il pas plusieurs espèces de forces ? Maintenant d’où vient que ces forces soient de nature si différente, que la première, la gravité, soit toujours et constamment semblable à elle-même, qu’un corps ne soit jamais plus ou moins lourd, tandis qu’il est plus ou moins chaud, plus ou moins électrique ? La force gravité, répond simplement M. Hirn, est une force sans vie propre, sans variation, tandis que la chaleur et l’électricité sont sans cesse en