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Elles le sont, répond un bomme qui se sépare de l’école atomique. M. Henri Sainte-Claire Deville aspire à éliminer l’affinité et les forces moléculaires. Ces hypothèses, dit M. Sainte-Claire Deville, ne servent à rien, et son principal argument, c’est que, pas même en nous, nous ne connaissons une cause quelconque de mouvement, puisque l’âme ignore comment elle meut son corps. Il en conclut que le savant qui conçoit la force chimique à l’image de sa volonté ne fait qu’ajouter l’inconnu à l’incompréhensible. — Sans doute, sur le comment des choses, notre ignorance est profonde. Sur la cause, nous en savons un peu plus long. Comment je meus ma main qui écrit, ce m’est un mystère ; mais que je sois la cause qui meut cette main, j’en suis certain. Aussi, quand je prête à l’atome une. force motrice analogue à la mienne, j’introduis dans les corps quelque chose que je connais. Tout aussitôt le mouvement de la matière me devient intelligible. L’humanité s’obstine à animer la matière, pourquoi ? C’est qu’alors elle y voit plus clair. Écartez les causes forgées à plaisir, à la bonne heure ; mais travaillez à déterminer méthodiquement les causes véritables accessibles à l’induction métaphysique. L’humanité a besoin de cette lumière, puisqu’elle ne se corrige pas de la chercher. Qu’on la lui refuse, elle ira la demander au mysticisme, et le terrain déserté par la science, la superstition l’envahira.

La raison, quand elle déploie régulièrement sa vigueur tout entière, ne s’arrête qu’à la force invisible. Voilà pourquoi le nouvel idéalisme scientifique est par certains côtés aussi peu une chimère qu’une pure hypothèse. Tout au contraire, en quelques-unes de ses assertions, il est si bien le fruit naturel de l’intelligence moderne parvenue à sa maturité, qu’il sort des méditations de nos penseurs en même temps que des intuitions de la science.

Pour parler d’abord des chimistes, ceux qui préconisent la théorie des atomes doués d’énergie active et de pouvoirs électifs ont des complices dans les rangs de la philosophie actuelle. Ceux-là aussi y comptent des adhérens qui vont en quelque sorte jusqu’à dématérialiser la matière. MM. Vacherot, Ravaisson, Janet, tentent d’établir l’harmonie entre les sciences positives et la philosophie première au moyen d’un rajeunissement de la monadologie de Leibniz. S’ils se trompent, je persiste à me tromper avec eux. Pour démontrer qu’ils sont dans l’erreur et répudier du même coup l’idéalisme des savans et celui des philosophes, on ne manquera pas d’alléguer les différences qui divisent ceux-ci. Ces différences sont visibles, mais elles ne détruisent en rien la vérité de leur point de vue fondamental. D’ailleurs il est possible d’indiquer rapidement ici au prix de quelles concessions réciproques l’accord parviendrait à se faire entre les principaux représentans de l’idéalisme nouveau.

Ils admettent également que l’élément de la matière, c’est la