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factice qui ne les rend que plus redoutables. — Mitifiau, qui prenait le titre de comte de Belair et se donnait pour le fils d’un général mort sous le premier empire, était un homme de manières irréprochables ; il allait dans le monde, — j’entends le meilleur, celui qui se prétend exclusivement la bonne compagnie ; — il y vivait d’escroqueries, de vols habilement dissimulés, de bonne fortune au jeu (c’était le temps de l’écarté). Un jour, voulant tenter une plus grosse aventure, il fut arrêté au moment où il commettait un vol à l’aide de fausses clés. Sa prison faite, il revint à Paris, et tomba dans la dernière abjection. — Quelques-uns sembleraient devoir être pour jamais arrachés au crime par les goûts élevés qu’ils professent et les occupations intellectuelles qui les sollicitent ; mais les instincts mauvais prennent le dessus et les jettent dans une vie déshonorante. C’est ainsi qu’un mathématicien adonné aux plus hautes sciences et ne rêvant que spéculations abstraites fut condamné à sept ans de réclusion pour vol avoué dans un magasin. L’éducation, l’instruction, les bons exemples sans cesse offerts par la famille, s’émoussent sur certaines natures. Qui ne se souvient de ce riche orfèvre qui, s’apercevant qu’il était fréquemment volé, s’embusque près de sa caisse, tire un coup de fusil sur un homme qui ouvrait la serrure, et reconnaît son propre fils dans le voleur qu’il vient de tuer ? Il faut parfois toute la sagacité et l’absence d’illusions qui distinguent les hommes de la police pour qu’un malfaiteur ne parvienne point à se dissimuler derrière les apparences qu’il a su dresser devant lui. On s’étonna, il y a quelques années, lorsqu’on arrêta, route de la Révolte, dans une fort belle villa, un certain Toupriant, qui, rue Verte, n° 28, possédait une écurie de huit chevaux et des voitures du faiseur à la mode. C’était un ancien commis papetier qui nourrissait les affaires, n’opérait qu’à coup sûr, dirigeait de jeunes bandits dont il faisait l’éducation, et qui, sous un faux nom, vivait très largement, avait des chasses et pariait aux courses. N’en était-il pas ainsi de Giraud de Gatebourse, dont l’histoire est d’hier, et chez qui les représentans de l’autorité ne dédaignaient point d’aller dîner de temps à autre ?

Il y a des familles qui, par une sorte de tradition lamentable, semblent vouées au vol de génération en génération. L’aïeul volait, le père a volé, le fils vole, le petit-fils volera. Dès ses premières années, l’enfant est dressé ; on lui apprend à marcher sans bruit, à voir sans paraître regarder, à ouvrir une serrure avec un clou, à cacher l’objet volé, à crier lui-même au voleur quand il est poursuivi. Les familles Piednoir, Cœur-de-Roy, Nathan, ont fait le désespoir de la police et lassé les tribunaux. Les condamnations qui ont atteint les Nathan, père, mère, frères et gendres, — en tout