Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/642

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

quatorze personnes, — représentaient un total de deux cent neuf années de prison. Ce sont les Juifs principalement qui, se livrant à des méfaits humbles, mais incessans, accomplissent ces sortes de fonctions héréditaires. Ils sont à craindre, non par leur audace, car rarement ils assassinent, mais par leur persistance dans le mal, par l’inviolable secret qu’ils gardent entre eux, par la patience qu’ils déploient et les facilités qu’ils trouvent pour se cacher chez leurs coreligionnaires. Les voleurs juifs se mettent rarement en guerre ouverte contre la société ; mais ils sont toujours en état de lutte sourde : on dirait qu’ils prennent une revanche, qu’ils sont dans leur droit et qu’après tout ils ne font que ressaisir, lorsque l’occasion se présente, un bien dont leurs ancêtres ont si souvent et si violemment été dépouillés par les nôtres. Parfois ils se réunissent en bandes et font le vol en grand, comme on fait le négoce ; ils ont leurs correspondans, leurs entrepôts, leurs acheteurs, leurs livres de commerce. C’est ainsi que procédaient les Nathan, dont je viens de parler, les Klein, les Blum, les Cerf, les Lévy. Tout leur est bon, les plombs détachés des gouttières aussi bien que les mouchoirs enlevés d’une poche ; le chef prend généralement le titre de commissionnaire en marchandises, et fait des expéditions vers l’Amérique du Sud, l’Allemagne et la Russie. Le jargon héhraïco-germain qu’ils parlent entre eux est incompréhensible et sert encore à égarer les recherches. Ils sont les premiers receleurs du monde, et dissimulent leurs actions derrière un métier ostensiblement exercé.

Tous les malfaiteurs ne sont pas voleurs de naissance, et, si beaucoup sont nés honnêtes, il faut attribuer aux mauvais exemples la vie coupable où ils finissent par se complaire. Ceux qui, comme Lapommeraye, comme Firon, débutent par l’assassinat, représentent des cas isolés sur lesquels il est bien difficile de baser une théorie. L’éducation est lente, successive, et l’échafaud a bien des marches qu’il faut franchir une à une avant d’arriver sur la terrible plate-forme. L’enfant fait l’école buissonnière, il prend l’habitude de la paresse et du jeu : il rentre tard, il est battu par son père, et jure qu’on ne l’y reprendra plus ; mais il a goûté de cette liberté malsaine qui l’éloigne des livres ennuyeux, du pédadogue, de la maison sévère : il recommence. Il se rappelle la correction paternelle, il n’ose rentrer ; il va coucher à l’abri d’une porte ; s’il échappe aux rondes de sergens de ville, il se retrouve au point du jour sur. le pavé de la grande ville sans sou ni maille ; il a faim, il vole un saucisson chez un charcutier. Le premier pas est fait ; il a, tout petit qu’il est, acquis une funeste et décevante expérience ; il vient de terminer tout un apprentissage, il comprend le gain sans travail et s’aperçoit qu’on peut posséder sans acquérir. Dès lors, presque