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dans chaque localité aux intérêts de l’armée et pour ménager les intérêts de la société civile. Pendant le temps qui s’écoule entre le tirage au sort et l’envoi sous les drapeaux, les recrues sont placées sous les ordres des officiers de la landwehr ; il en est de même poulies hommes qui jouissent de congés illimités. C’est donc la landwehr qui prépare pour ainsi dire à l’armée active son contingent annuel, en attendant qu’elle ouvre plus tard ses rangs aux hommes qui sortent de la réserve ; c’est sous le contrôle des officiers de la landwehr que sont placés les hommes de la réserve de recrutement qui font partie du contingent annuel, mais qui ne sont pas appelés sous les drapeaux par mesure d’économie.

Plus on étudie le puissant mécanisme de cette organisation, moins on demeure surpris que la société prussienne ait révélé pendant la dernière guerre la puissance, la fécondité de ressources morales qui ont été entre les mains de la couronne et de ses conseillers de si efficaces instrumens de victoire. À ce point de vue, nous devons mentionner le concours prêté au gouvernement, en 1866, par les hospitaliers volontaires. Ici en effet, on n’est plus seulement en présence d’une pensée touchante de dévoûment individuel : on distingue clairement, dans la manière dont les devoirs de la charité ont été compris et pratiqués, les inspirations d’une ardente solidarité entre les membres les plus marquans de toutes les classes de la société prussienne et les hommes qui ont, les uns conçu la pensée de la guerre en 1866, les autres guidé l’armée dans les combats. À ce titre, les johanniter ou chevaliers de Saint-Jean méritent une mention spéciale. L’ordre de Saint-Jean, formé au moyen âge après les croisades, avait été sécularisé en 1810. Depuis cette époque, il n’était plus qu’une corporation nobiliaire plus ou moins privilégiée, lorsque le roi Frédéric-Guillaume IV, sous la préoccupation de ses goûts archéologiques, résolut de rappeler les chevaliers de Saint-Jean à leur mission primitive, de les encourager à soulager les misères humaines, et particulièrement à venir en aide aux victimes de la guerre.

L’idée qui semblait, en 1853, entachée de romantisme a tout à coup acquis une valeur pratique, grâce aux événemens de 1864 et de 1866, grâce aussi aux fortes passions politiques qui animent la haute société prussienne. Les chevaliers de Saint-Jean se sont distingués pendant la guerre du Slesvig par leur activité et leur dévoûment. Plusieurs hôpitaux ont été organisés par eux, à leurs frais, dans les duchés, sous la direction du comte Eberhard de Stolberg, président de la chambre des seigneurs[1]. Le prince Charles de

  1. La France pourrait revendiquer pour elle la première inspiration de cette grande idée : le maréchal Marmont, dans son livre sur l’Esprit des Institutions militaires, s’étend sur les avantages que présenterait pour les armées modernes la création d’un ordre d’hospitaliers volontaires liés entre eux par la même solidarité qui unit les membres de l’ordre de la Légion d’honneur.