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Si les détails qui précèdent ont bien, fait saisir la nature des élémens dont se composent les forces de l’Allemagne du nord, on doit être frappé de L’étroite corrélation qui existe chez nos voisins entre l’armée et la société civile, comme de l’harmonie avec laquelle toutes les parties actives de la population concourent à la grandeur militaire. L’état d’un peuple si bien disposé pour entrer en lutte est fait pour inquiéter les nations voisines. À la suite des événemens de 1866, celles-ci ont à leur tour porté une sérieuse attention sur leur armée. De là„ une charge qu’elles supportent, mais qui pèse lourdement sur la nation allemande. Des publicistes éminens s’en sont émus, ils ont voulu provoquer un désarmement général en agissant sur l’opinion publique en France et en Prusse. Par malheur, on ne s’est pas bien rendu compte des obstacles que L’exécution rencontrerait dans les institutions de la Prusse moderne.

Quand on met en présence les deux grands pays que sépare le Rhin, ce ne sont pas seulement leurs budgets qu’il faut comparer, c’est tout l’ensemble des lois qui ont organisé leur puissance. Le budget de la guerre prussien n’est que de 247,500,000 francs, celui de la France est de 384,500,000 francs ; mais le premier ne comprend dans ses prévisions que les dépenses absolument nécessaires pour l’entretien d’une armée irréductible, dans laquelle d’ailleurs il est aisé de fondre des forces doubles en nombre et égales en valeur sans affaiblir en rien la solidité des cadres, tandis que le budget français calcule toutes les prévisions de dépenses pour l’entretien d’une grande armée permanente.

Dans l’Allemagne du nord, il suffit d’un ordre du généralissime, qui peut être tenu secret, pour mobiliser les quatre contingens de la réserve, c’est-à-dire pour mettre sur pied 240,000 hommes, à raison de 80,000 par contingent. — En France, si l’empereur veut appeler la réserve sous les drapeaux, il peut le faire sans doute par un simple décret, mais ce décret doit recevoir une véritable publicité ; en outre le nouvel ordre de choses établi par le sénatus-consulte du 8 septembre dernier ne permettrait pas au pouvoir exécutif de prendre une décision aussi grave sans consulter les chambres. Tandis que le gouvernement français devrait aussi faire précéder tout déploiement de forces militaires d’un appel aux ressources financières du pays sous la forme d’un emprunt, le cabinet prussien trouverait du jour au lendemain dans les caves du château de Berlin un trésor de plus de 30 millions de thalers, 112 millions de francs, dont lui seul a la gestion en dehors de tout contrôle parlementaire. — En Prusse, le total des hommes valides propres au service, atteignant leur vingtième année, est de 125,000. Sur ce nombre, le roi décide, en vertu de l’article 9 de la loi du 9 novembre 1867,