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Les changemens politiques aussi ont leur part dans cette altération progressive de la situation matérielle et morale des populations toscanes. Beaucoup d’institutions périssent qui avaient une influence notable sur les habitudes ou les idées du peuple. Les lois de : succession sont gravement altérées ; autrefois le père pouvait disposer librement de la plus grande partie de ses biens par testament ; les enfans n’avaient droit qu’à une légitime qui variait d’après leur nombre ; cette légitime comprenait le tiers des biens, s’il y avait quatre enfans ou moins, et ne dépassait en aucun cas la moitié du patrimoine. Dans les successions ab intestat, les fils venaient concurremment avec les filles au partage de la légitime, et succédaient seuls, à l’exclusion de ces dernières, à la partie disponible. Il en résultait que dans les pays de petite propriété le patrimoine était plus facilement maintenu dans son intégralité ; mais l’introduction du code Napoléon a détruit ces usages. Les relations du clergé avec les populations ont été modifiées aussi par le nouveau régime politique. Autrefois le curé de chaque paroisse était officier de l’état civil ; cette fonction, si modeste en apparence, relevait beaucoup sa position et son autorité. Dans la quinzaine qui précède Pâques, les curés visitaient toutes les maisons, ils les bénissaient, mais en même temps ils vérifiaient si les pièces étaient assez grandes et les sexes suffisamment séparés. S’ils trouvaient quelque chose à reprendre, ils avertissaient les fonctionnaires du gouvernement. Ils laissaient en outre à chaque paysan un petit billet qui devait être représenté à la paroisse au moment de la communion pascale. Cet usage avait le double but de s’assurer de l’observation du précepte religieux et aussi d’opérer le recensement annuel de la population. On voit que cette simple qualité d’officiers de l’état civil investissait le clergé d’une sorte de magistrature et d’une surveillance légale sur les fidèles. Ces attributions ont été transportées à des mains laïques. Les populations rurales ont sans doute gardé leur dévotion primitive, mais elles sont moins dans la dépendance de leurs pasteurs. D’autres coutumes pittoresques et patriarcales ont aussi fait naufrage dans les révolutions politiques. C’est ainsi qu’autrefois le gouvernement, les communes et les riches particuliers donnaient tous les ans une grande quantité de dots aux jeunes filles des campagnes ; c’était là non un fait exceptionnel, mais une ressource sérieuse sur laquelle comptaient les familles pour l’établissement de leurs enfans. Ces libéralités, auxquelles le gouvernement ne se livre plus, tombent maintenant en désuétude.

Les annexions n’ont cependant pas tout détruit. Elles ont laissé subsister la commune sous son ancienne forme et avec son territoire fixé par la tradition. Les communes italiennes sont pleines de