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végétations ne tarde pas à être accusée par une odeur de moisi. Si alors, après un simple rinçage presque toujours insuffisant, on remplit de nouveau les tonneaux, le liquide dissout et délaye le principe odorant des moisissures et contracte au bout de quelques jours une odeur particulière, très désagréable, qui enlève à la boisson presque toute sa valeur. C’est ainsi que des vins fins sont parfois perdus par l’incurie avec laquelle on nettoie les tonneaux. Il est facile de démontrer la vérité de cette explication. Si l’on verse dans un tonneau ainsi envahi deux litres d’acide sulfurique à 60 degrés, de manière à en imprégner les parois, la végétation parasite, bientôt attaquée, se désagrège, se dissout et peut être entraînée par des lavages à grande eau. Dès lors le tonneau cesse d’agir sur le liquide que l’on y conserve. L’odeur ou la saveur désagréable que l’on appelle goût de bouchon est très probablement due à des moisissures qui se développent dans les cavités des bouchons après la mise en bouteille du vin.

Il est presque certain que les fréquentes altérations, dites spontanées, des boissons usuelles, et notamment les diverses maladies des vins, doivent être attribuées à l’influence des végétaux rudimentaires, — cryptogames, microphytes et mycodermes. On en a tiré cette conséquence très naturelle que, pour prévenir les altérations ou pour en arrêter le progrès, il suffisait de détruire les végétations développées au sein des liquides : sublata causa, tollilur effectus. Les efforts persévérans qu’un savant français a tentés dans cette voie ont été depuis peu de temps couronnés d’un succès des plus remarquables ; mais avant de parler des procédés fort simples à l’aide desquels on présent ? les vins des altérations dont ils sont menacés, nous allons montrer que la solution du problème constitue un cas particulier de la méthode générale due au modeste et célèbre inventeur Appert.

Nous avons déjà exposé ici même cette méthode telle qu’elle est appliquée à la conservation des substances alimentaires, viandes, légumes et fruits, et nous avons signalé les avantages qu’elle offre pour les approvisionnemens de longue durée. Si nous n’avons pas dès lors insisté sur l’application du même procédé à la conservation des vins, c’est que jusqu’alors l’industrie n’avait guère mis à profit les conseils de l’inventeur, appuyés cependant sur des expériences d’une réelle portée. Voici comment le chevalier Appert s’exprime à cet égard dans son Livre de tous les ménages[1] :

« Personne n’ignore, dit-il, que les vins de France les plus délicats, notamment ceux de Bourgogne, ne peuvent supporter les

  1. Quatrième édition, 1831, p. 131.