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l’autre d’un saint vénéré. Innocent III dit en effet : Falsitas sub velamine sanctitatis tolerari non debet. Et saint Bernard déclare : Melius est ut scandalum oriatur, quam veritas relinquatur. »


Un livre plus hardi encore que Janus l’a suivi de près, il est intitulé : Réforme de l’église romaine dans sa tête et dans ses membres, tâche du prochain concile[1]. L’auteur s’occupe moins du passé que de l’avenir ; il évite tous les mots irritans. Il se contente de caractériser en quelques traits rapides et précis la situation dans laquelle le romanisme jésuitique a mis l’église ; puis il indique les remèdes que réclament des maux si graves.


« Mon livre, dit l’auteur, se produit comme la libre parole d’un Allemand qui porte en son cœur les intérêts du catholicisme. Cette parole réclame la réforme de l’église catholique dans sa tête et dans ses membres, la guérison des maux dont l’afflige la curie romaine. Celle-ci a blessé à mort l’église par la centralisation de tous les pouvoirs ecclésiastiques à Rome, par ses appels sans cesse renouvelés à la force matérielle pour soutenir des décrets ecclésiastiques, par son obstination à maintenir des principes sociaux en opposition avec toutes les idées et les besoins du temps ; elle a exclu les laïques de toute participation à la vie de l’église et maudit toute science qui ne reçoit pas ses consignes. C’est ainsi qu’elle a déshonoré le catholicisme en présentant l’église comme une institution de police dans l’ordre social et une puissance de ténèbres dans l’ordre intellectuel. »


L’auteur rappelle en finissant ce mot de saint Ambroise : « rien n’est si dangereux auprès de Dieu, si honteux auprès des hommes pour un prêtre que de ne pas dire librement son sentiment. » C’est le pur amour de la vérité qui le fait parler, et son unique désir est de « ranimer sur la terre ce feu que le Christ y a allumé pour dévorer l’erreur et le mal. »

Ces manifestations précédèrent la fameuse déclaration de Fulda, signée par vingt évêques allemands. Celle-ci était tenue à une grande modération de langage, on peut même dire qu’elle l’a exagérée. Cependant la pensée des évêques signataires n’est pas douteuse ; au fond, ils protestent contre tout ce qu’on prépare à Rome, mais ils usent de l’artifice imaginé par les grands de la cour de Perse pour donner des avis à leur souverain. Ces seigneurs n’avaient trouvé rien de mieux que de le louer pompeusement des qualités qu’ils lui souhaitaient et qui lui manquaient. « O grand roi, que vous êtes généreux ! » lui disaient-ils quand ils le trouvaient avare. C’est ainsi

  1. Reform der römischen Kirche in Haupt und Gliedern.