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de luttes entre un secrétaire et un serpent dangereux produisent toujours une vive impression sur l’esprit des personnes qui en sont témoins. Il y a dans la vie de l’oiseau du Cap des circonstances dont l’intérêt est d’une plus haute portée. Pour lui, le premier âge est d’une longueur remarquable ; les jeunes serpentaires demeurent dans le nid au moins six mois ; ils ont acquis, à peu de chose près, la taille de leurs parens, qu’ils sont encore incapables d’aller chercher leur vie. Leurs jambes et leurs tarses, d’une dimension exceptionnelle, ne se consolident qu’avec beaucoup de lenteur, et, tant que cette consolidation n’est pas faite, ils ne sauraient entreprendre les chasses dangereuses auxquelles les poussent leurs instincts et leurs appétits. Nourrir ces grands enfans d’une voracité sans pareille impose au père et à la mère l’obligation de faire une guerre incessante aux serpens, et, lorsque ceux-ci deviennent rares dans la contrée, de rechercher les lézards et même les insectes. La nécessité de pourvoir aux besoins des jeunes pendant une moitié de l’année, succédant à la durée de l’édification du nid, puis de l’incubation, détermine ainsi chez le serpentaire l’union à peu près indissoluble du mâle et de la femelle.

Cette différence entre les oiseaux, les uns pleins d’intelligence et si faibles au début de la vie que leur existence serait impossible sans une famille, les autres de peu d’instinct et de peu d’intelligence, venant à la lumière dans un état de développement assez avancé pour se suffire à eux-mêmes, apparaît tout aussi prononcée chez les insectes. En général, ceux-ci, à leur naissance, n’ont besoin d’aucun secours ; les espèces de quelques groupes cependant sortent de l’œuf dans un tel état de faiblesse qu’ils périraient tout de suite, s’ils ne recevaient les soins d’une mère ou d’une nourrice. Ce sont ces admirables insectes, — les guêpes, les bourdons, les abeilles, les fourmis, — dont l’industrie, les instincts et l’intelligence déconcertent notre raison.

Nous venons de voir la règle. Les êtres doués de la plus belle organisation ont des enfans trop faibles pour pouvoir être abandonnés : aussi en prennent-ils soin ; mais la règle n’est pas universelle. Des espèces assez voisines des plus remarquables par leur industrie ne savent rien faire pour leurs petits, et cependant ces jeunes animaux, au début de la vie, réclament une assistance de tous les instans. Besoin impérieux à satisfaire d’un côté, impuissance absolue de l’autre, voilà le problème dont la solution est trouvée à l’aide d’un instinct spécial dévolu aux mères incapables de travailler pour leur progéniture. Quand on ne peut pas élever ses enfans, on les confie à des étrangers ; rien de plus simple. Cet oiseau que l’on nomme le coucou est bien connu, et l’on débite encore sur lui des choses fort étranges, sans distinguer toujours entre