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les vieilles légendes et les récits des observateurs exacts. Le coucou, que l’on entend sans cesse dans les grands bois et que l’on n’aperçoit presque jamais, tant il se cache, ne fait pas de nid, personne ne l’ignore. Inhabile à construire, il va déposer ses œufs dans les nids d’autres oiseaux. La raison de cette incapacité nous échappe ; jusqu’ici aucune particularité connue de l’organisme n’a permis de l’expliquer. Néanmoins une remarque très curieuse a été faite : les individus des deux sexes sont en nombre fort inégal ; il y a quinze ou vingt mâles pour une seule femelle. Devant la foule des prétendans, la femelle, paraît-il, veut plaire à chacun, et ses galanteries perpétuelles la détourneraient de tout devoir maternel. Les coucous portent alors furtivement leur œuf dans les nids de différens oiseaux, le rouge-gorge, le rossignol, la fauvette des roseaux, le pouillot, beaucoup d’autres encore, et ces oiseaux, s’ils ne s’aperçoivent de rien, couvent l’œuf étranger, et après l’éclosion soignent l’intrus comme un de leurs petits malgré sa taille bientôt très supérieure et fort dangereuse pour les légitimes. Si l’on en croit certaines affirmations, la femelle du coucou ne perd pas toutefois en entier le sentiment de la maternité ; elle ne quitte le voisinage des lieux où sont élevés ses jeunes qu’après leur départ du nid.

Quelques insectes se comportent à peu près comme les coucous. Les gros bourdons velus, tantôt roux, tantôt noirs, avec des parties jaunes, fauves ou rougeâtres, si communs pendant la belle saison sur les fleurs des champs ou la lisière des bois, sont des êtres, on le sait, qui travaillent à merveille et qui s’occupent de leur progéniture de la manière la plus irréprochable. A côté de ces insectes industrieux, on rencontre des espèces incapables de tout soin et si pareilles par leurs principaux caractères et par leur aspect à de vrais bourdons que de minutieux naturalistes n’avaient pas su les en distinguer ; mais le jour vint où un observateur, Le Peletier de Saint-Fargeau, plus attentif que ses devanciers, s’aperçut d’une différence significative : ces espèces, confondues naguère avec les bourdons, sont privées d’instrumens de travail ; leurs jambes n’ont pas de corbeille pour recueillir le pollen, pas d’épines pour saisir des lames de cire ; le premier article de leurs tarses, encore fort large, n’est plus cependant la palette dont les bourdons se servent comme d’une truelle, il ne porte aucune brosse propre à faire tomber le pollen récolté. Pas d’instrumens de travail, c’est l’impossibilité manifeste de construire, c’est aussi l’impossibilité de nourrir les larves. Ces insectes, désignés sous le nom de psithyres, ont recours aux bourdons pour la conservation de leur propre espèce. La ressemblance donnée par la nature à ces deux sortes d’êtres est aisée à expliquer. Le coucou, introduisant un œuf dans le nid d’un petit oiseau, n’a