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pensionnaires. Le médecin doit revoir les enfans dans la première quinzaine de leur arrivée et les visiter ensuite une fois au moins tous les mois. Les nourrices, avant d’être envoyées à Paris pour y être présentées au libre choix des familles, sont l’objet d’un examen sérieux au point de vue de la santé et de la qualité lactifère ; une dernière visite est faite au chef-lieu de la direction à Paris par un médecin des hôpitaux. Le salaire de la nourrice est librement débattu entre celle-ci et les parens de l’enfant ; il est en général de 20 francs par mois, et l’administration garantit à la nourrice un minimum mensuel de 12 francs, au cas, malheureusement assez fréquent, où les parens cesseraient de payer la rétribution convenue.

Avec une pareille organisation qui, théoriquement du moins, semble ne laisser rien à désirer, on pourrait croire que l’administration des hôpitaux doit compter dans sa clientèle la plus grande partie des familles parisiennes. Il n’en est rien, et le chiffre des placemens opérés par elle va sans cesse en s’amoindrissant. Autrefois, lorsque la population n’était que de 700,000 à 800,000 âmes, la direction plaçait 10,000 enfans ; aujourd’hui les placemens annuels atteignent à peine le chiffre de 2,000, et, ce qui est à noter, les offres du côté des nourrices ont diminué comme les demandes de la part des familles. Pourquoi cette défaveur ? Elle tient à des causes multiples dont nous ne signalerons que les principales.

La diminution dans les demandes des nourrices est due en partie à la surveillance à laquelle elles sont soumises, en partie à la crainte de ne recevoir qu’un salaire insuffisant ou du moins inférieur à la rétribution sur laquelle elles croyaient avoir le droit de compter. Les bonnes nourrices n’ont certes rien à redouter du contrôle exercé sur elles par le sous-inspecteur et par le médecin ; mais toutes, bonnes ou médiocres, aiment peu, et cela se comprend, à se soumettre aux formalités, à la réglementation administratives, quand elles peuvent s’en affranchir. Les meneurs des petits bureaux ont donc toute facilité pour les recruter au profit des industriels qu’ils représentent.

L’administration des hôpitaux, a-t-on dit, afin de mettre les nourrices à l’abri de l’éventualité du non-paiement par les parens des mois d’entretien de leur enfant, garantit à celles qui sont placées par la direction municipale un minimum de 12 francs par mois. Cette mesure, excellente dans les intentions, amène des résultats détestables. Bien des gens en France ont une morale singulièrement relâchée à l’endroit de ce qu’on appelle « le gouvernement. » Frauder l’octroi, frauder la douane, frauder l’enregistrement, paraît à beaucoup de nos concitoyens toute autre chose qu’une indélicatesse. Ne pas payer à la nourrice qui le conserve auprès d’elle les soins qu’elle donne à leur enfant, ce serait pour beaucoup de