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rant des nouveautés que la France et surtout l’Angleterre produisaient en ce genre, et dans la sphère politique, bien que les débats du corps législatif fussent alors quelque chose d’assez peu sérieux, il ne négligeait pas d’en tenir compte, et, par un reste d’habitude, il suivait pas à pas, dans les moindres détails, notre situation financière, si bien qu’en maintes circonstances il aurait pu enseigner plus d’un chiffre à certains rapporteurs du budget; mais le cœur lui manquait pour ce genre de besogne en face des subterfuges du régime nouveau en matière de finances. Ces viremens élastiques, ces expédiens de toute sorte inventés pour faire perdre la piste des millions détournés de leur destination première, cet abandon systématique des sauvegardes du trésor, ces sommes effrayantes enfouies sans rien produire que des monumens qui révoltent le goût ou des folies guerrières qui offensent l’honneur, tout cela le blessait, l’ulcérait; il n’endurait pas longtemps ce spectacle, et ce n’était qu’en retournant encore à l’histoire, en se réfugiant dans le passé, qu’il parvenait à s’en distraire.

Mais, s’il ne se lassait pas de l’histoire, il professait à son sujet certaines opinions que je ne puis omettre d’indiquer en passant, car elles achèvent de le peindre. Il fallait, selon lui, tout chercher dans l’histoire, dans l’infinie variété de cette grande comédie humaine, tout, hormis des leçons de politique, des règles de conduite pour les gouvernemens, des pronostics tant soit peu sûrs de l’avenir des peuples et du salut des états. Ce fatalisme historique, dont on accepte aujourd’hui les arrêts, ces enseignemens de l’histoire qu’on nous donne comme d’infaillibles lois, il les tenait pour des guides trompeurs et d’une déplorable influence. Par exemple, il était convaincu que la similitude apparente de notre révolution de 1830 avec celle de 1688 en Angleterre n’était pas une des moindres causes qui en avaient compromis le succès. N’avait-elle pas donné, même aux plus clairvoyans amis de la monarchie nouvelle, la plus aveugle confiance? Ne s’étaient-ils pas, à leur insu, persuadés que cette ressemblance devait aller jusqu’au bout, qu’un même ordre de faits avait toujours la même issue, que, le drame étant presque le même, le dénoûment ne pouvait pas changer? Au lieu de s’alarmer de leurs discordes intestines, ils s’y étaient livrés sans scrupule. Que risquaient-ils à guerroyer entre eux, à se faire whigs et tories à outrance? La royauté chez nos voisins n’en avait pas souffert, donc elle pouvait chez nous survivre à ces assauts : prophétie malheureuse, ils l’ont appris, hélas! à nos dépens. Richelieu, Mazarin, disait-il, savaient tout juste assez d’histoire et de géographie pour ne pas se tromper sur les limites et sur les droits des états dont ils réglaient les destinées; mais la philosophie de l’histoire n’était pas