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je n’ai jamais dit que Vous ne deviez pas consulter la nation. Des Hollandais instruits avaient fait connaître qu’il serait indifférent à la Hollande de perdre le Brabant, semé de places fortes qui coûtent beaucoup, qui a plus d’affinité avec la France qu’avec la Hollande, en l’échangeant contre des provinces du nord, riches et à votre convenance (l’empereur entendait parler de la région des villes hanséatiques). Encore une fois, puisque cet arrangement ne vous convient pas, c’est une affaire finie. Il était inutile même de m’en parler, puisque le sieur de Larochefoucault n’a eu ordre que de sonder le terrain. »

Il est à noter qu’un an s’était à peine écoulé que l’empereur ne faisait plus sonder le terrain, exigeait péremptoirement la cession des deux provinces, et ne consultait pas un seul instant la nation. En attendant, tout en ayant l’air de n’y plus penser, Napoléon décréta le 16 septembre suivant que toute exportation de denrées coloniales expédiées de Hollande sur un point quelconque du territoire de l’empire serait désormais interdite. Ce décret était basé sur la présomption que presque toutes ces denrées étaient de provenance anglaise. Ce n’en était pas moins une étrange façon de traiter un pays allié, gouverné par un frère de l’empereur, couvrant le nord-est de l’empire, et dont 3,000 soldats versaient leur sang en Espagne aux côtés de l’armée française. Le commerce hollandais, déjà frappé de tant de manières, en souffrit horriblement. Louis se vit forcé par là d’appliquer dans toute sa teneur le système du blocus continental, et l’empereur cédait à ses sollicitations en révoquant le décret du 16 septembre ; mais ce ne fut pas pour longtemps. Les finances hollandaises continuaient de s’abîmer dans le gouffre du déficit malgré les efforts de Gogel et l’art avec lequel cet habile financier tirait du pays tout ce qu’il pouvait lui fournir. Le dernier emprunt de 30 millions de florins n’avait été couvert qu’aux deux tiers. Le corps législatif rompait avec sa docilité habituelle en exprimant de vives doléances sur l’état désastreux du commerce. Le roi faisait ce qu’il pouvait pour le rassurer, le consoler, lui faire entrevoir la conclusion prochaine d’une paix générale à laquelle lui-même ne croyait guère, et dont ses sujets désespéraient, car déjà, en dépit des bulletins officiels, on savait que les choses allaient mal en Espagne, et des rumeurs étranges circulaient à la bourse d’Amsterdam sur les dispositions réelles de la cour de Russie. Les pays de grand commerce sont ordinairement les mieux renseignés sur le véritable état des affaires générales. Les correspondances privées, dont l’intérêt pécuniaire est le seul mobile, obtiennent plus de créance que les nouvelles officielles, surtout quand celles-ci manquent de tout contrôle public. Napoléon était furieux contre les nouvellistes