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ce qui donne en moyenne 14 jours par malade. Les frais d’un tel service, qui fournit non-seulement le médecin, mais encore les médicamens, ont été considérables et se sont élevés, au chiffre de 818,897 francs 23 cent. Parmi les 11,671 femmes qui au moment de leur accouchement ont eu recours à l’assistance publique, 9,283 étaient mariées, ou du moins vivaient en ménage ; 2,388 étaient des filles-mères ou des femmes abandonnées. Les 85,293 journées de traitement ont coûté 162,009 francs 02 cent.

Je ne sais guère un autre pays qui ait fait de la charité publique un des rouages les plus importans de son mécanisme général. Paris regarde comme un devoir d’accueillir, de secourir toutes les différentes formes de misère et d’indigence que l’initiative individuelle ne peut atteindre. Le bien des pauvres ne devient plus, comme autrefois, la propriété de congrégations qui se tenaient quittes avec quelques distributions d’aumônes et beaucoup de prières. Administré sous la surveillance même de l’état, il est soumis au contrôle minutieux de la cour des comptes, et il n’est pas possible aujourd’hui d’en soustraire un centime. Même dans les mauvais jours, quand notre ville affolée dépavait ses rues pour en faire des barricades, l’assistance publique a fonctionné avec une irréprochable régularité ; au lieu de se ralentir, elle redoublait de zèle, comme pour se préparer à mieux panser les plaies que la population parisienne semblait prendre plaisir à se faire. Installée près le l’Hôtel de Ville, auquel elle appartient hiérarchiquement, sur notre vieille grève, elle fait face au plus grand témoin de notre histoire urbaine. Son emplacement même affirma qu’elle est, et pour toujours, un organe civil de bienfaisance ; elle est mieux là qu’au parvis Notre-Dame. Tout en laissant vivre, tout en aidant même les sociétés religieuses qui infligent à leurs bonnes œuvres les réserves imposées par certains préceptes, la vraie charité, la charité abstraite s’est faite laïque. Elle agit vis-à-vis de tous avec l’impartialité d’une mère, elle ouvre sa main généreuse sans dire au pauvre : Qui es-tu ? Elle est un état dans l’état ; elle a sa fortune, ses fonctionnaires, ses maisons. Dans ses hôpitaux, ses hospices, ses bureaux de bienfaisance, par tous les moyens dont elle disposa elle a en 1869 porté aide à 317,742 individus ; elle régit tout un peuple, peuple souffreteux et malingre, qui a encore plus besoin de force morale que de secours matériels, mais qui sans elle, sans le dévoûment dont elle fait preuve, sans l’énergie qu’elle déploie, sans les efforts qu’elle renouvelle sans cesse, pourrait succomber, ou devenir parfois un danger sérieux pour la cité.


MAXIME DU CAMP.