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était un ancien secrétaire de Cabet. Les, disciples dispersés de Fourier se rallièrent autour de la nouvelle enseigne ; les mots de théorie sociétaire, de foyers d’attraction, de comptoir communal, se retrouvèrent dans la bouche des coopérateurs. L’on parla de fonder « une cité coopérative intégrales opérant avec les trois élémens d’industrie, capital, travail et talent, et embrassant les divers travaux de ménage, culture, fabrique ;… en un mot toutes les relations sociales. » Un initiateur, rédigeant sous le nom de Gallus l’Almanach de la coopération, imagina un plan pour faire régner « le commerce véridique » au moyen d’un système de syndicats solidarisés qui auraient représenté tous les consommateurs et tous les producteurs. ? Ces projets furent publiés par les principaux organes du mouvement coopératif ; ils furent même discutés dans des réunions d’hommes graves. C’est une justice à rendre à beaucoup des partisans de la coopération qu’ils combattirent toutes ces pauvretés ; mais ils n’apportèrent pas à la lutte contre ces idées, non moins niaises que subversives, toute l’énergie et toute la conviction que le devoir impose en pareil cas ; ils subirent bon gré mal gré l’alliance des visionnaires. Quelles qu’aient pu être les opinions des hommes opulens et judicieux qui ont patronné à ses débuts la coopération, les adeptes placèrent dans ce système les plus déraisonnables et les plus chimériques ; espérances. Dés l’abord, on fît de ce terme nouveau le plus abusif emploi ; il surgit bientôt une « commission consultative et de renseignemens des sociétés coopératives, » des « bureaux de placement coopératifs, » une « agence coopérative des liquides, » une « école supérieure d’enseignement coopératif, » des « écoles rurales coopératives ; » mille autres formules plus ou moins étranges couvrirent des spéculations d’aventuriers ou de folles tentatives de travailleurs confians. Toute une série de journaux naquît pour faire la propagande du dogme d’introduction nouvelle ; on eut successivement l’Association, la Coopération, la Mutualité, le Travail, le Travailleur associé, feuilles bien intentionnées, nous le voulons croire, mais où étaient rééditées toutes les utopies des réformateurs du commencement du siècle. On n’a point ici la prétention d’examiner en détail toute la nuée de projets qui virent le jour sous ce nom de coopération, alors si en faveur. Il nous suffit de signaler aux hommes judicieux les inconvéniens graves qu’il peut y avoir à embrasser avec ardeur des plans de réforme sans en avoir étudié scrupuleusement la nature et la portée ; c’est s’exposer à faire naître une fermentation dangereuse : il arrive souvent que des formulés inoffensives aux yeux de la bourgeoisie prennent devant le peuple un autre sens, et se prêtent à de subversives revendications. Ainsi en a-t-il été pour la coopération. Pendant que l’on voulait ouvrir aux travailleurs manuels une voie plus prompte pour se créer un