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avant l’apparition de l’homme peut nous éclairer sur l’histoire plus récente, mais nous pouvons comprendre et reconstituer la vie de l’homme et des sociétés durant ces époques que l’on nomme préhistoriques, au-delà du temps que nous décrivent les plus anciens historiens. De ces époques primitives, nous ne connaissons rien jusqu’ici, si ce n’est quelques squelettes retrouvés, quelques haches de pierre ou de bois de renne. Par l’étude du développement minéral et organique de la terre, par celle des sociétés actuelles, on pourrait arriver à entrevoir cette ère mystérieuse dont on connaît mal la durée, l’origine et les limites. On pense bien que c’est surtout à ces siècles que doit s’intéresser M. Quinet, et que les hypothèses, les rapprochemens dont il se sert pour l’histoire du temps où tout était inanimé ou du moins sans pensée, il les doit resserrer et appliquer surtout lorsqu’apparaît l’être singulier qui se proclame roi de la terre, notre semblable.

Les animaux qui ont vécu à chaque époque portent l’empreinte du monde dans lequel ils naissaient, et s’ils n’en sont pas l’image, ils en sont du moins le reflet. En voyant un reptile, on devinerait qu’il a dû se développer lorsque des plages basses et boueuses émergeaient, et qu’il était aisé d’y ramper. Toute forme nouvelle des continens et des mers est accompagnée d’une modification dans les formes animales ; des espèces inconnues se produiraient et se développeraient peut-être encore, si des terres nouvelles surgissaient du fond des mers. Aux yeux de quelques naturalistes, c’est dans l’immobilité des mers et des montagnes qu’il faut chercher la permanence actuelle des espèces. Cela ne signifie point nécessairement que chaque modification de la constitution terrestre apporte avec elle un autre type, et M. Quinet ne prétend point que le globe ait en soi la faculté de donner son moule à l’argile vivante. Il affirme seulement que « la partie réfléchit le tout, que l’émersion de nouveaux continens change pour chaque être les conditions de l’existence, » que « la plus petite comme la plus grande des créatures ressent le contre-coup de pareils changemens, » que « nul n’y échappe, ni le mollusque ni le reptile, » que « chacun se fait, se proportionne au nouvel univers. » On conçoit que de pareilles opinions puissent s’accorder avec telle hypothèse ou telle croyance que l’on voudra touchant l’origine de la création elle-même, et nous sommes loin de discuter ici ces croyances ou ces hypothèses ; mais, si l’on admet l’analogie des phénomènes de la nature minérale et de la nature animée, on doit pouvoir rechercher, suivant les mêmes règles, l’époque de l’apparition de l’homme sur la terre. Sans accepter l’hypothèse de ceux qui le prennent pour un animal perfectionné, on peut admettre qu’il a dû, comme tous les êtres organisés et vivans, trouver un monde qui lui permît de naître, de vivre, de perpétuer