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du pays lui assurait, une influence absolue sur Laupapa, et qui dès lors éveillait les soupçons. Sur ces entrefaites, le vieux Maliétoa vint à mourir. Une asselmblée de quelques chefs vendus au consul anglais et à son fils adoptif se réunit aussitôt dans le voisinage d’Apia, et, usurpant les pouvoirs de l’assemblée générale de la province, proclama Maliétoa le jeune Laupapa, Cette élection fut à peine rendue publique que tous les chefs du Tuamasaga se réunirent au village de Malinuu, cassèrent comme illégales toutes les décisions de la première assemblée, et, pour mieux assurer l’exécution de leurs volontés, élurent pour Maliétoa le frère du dernier tui. Fort de l’appui de son père adoptif, Laupapa refusa d’obéir à l’assemblée légitime, protesta contre l’élection de son oncle, et se mit à exercer le pouvoir dans tous les districts de la province. Des prérogatives du pouvoir, la plus importante, celle qui atteste la souveraineté, est, comme nous l’avons dit, celle de faire des lois. Un code de lois d’une sévérité excessive, œuvre des missionnaires protestans et surtout du consul anglais, fut édicté non-seulement pour le Tuamasaga, mais pour l’île entière d’Opoulou. L’exécution en fut imposée par la force dans plusieurs villages. Tandis que partout ces actes soulevaient les plus justes plaintes, Laupapa, dédaignant l’antique capitale de Satuisamau, proclamait sa nouvelle ville de Matagofié (la belle) capitale de son royaume des Samoa, et substituait aux anciennes couleurs nationales son drapeau, — une grande étoile sur fond rouge, devant laquelle à droite et à gauche semblaient s’incliner des étoiles de moindre grandeur, — symbole de ses propres destinées et de l’avenir qu’il réservait à ses rivaux.

Cette dernière mesure, où l’on ne peut voir qu’une vanité puérile, fut pourtant de tous les griefs que lui reprochaient les chefs samoans celui qui leur inspira la plus vive indignation. Ils se réunirent de nouveau à Malinuu, résidence du vieux Maliétoa, et le pressèrent d’agir, lui offrant le concours de tous les districts de l’archipel pour l’aider à sauvegarder ses antiques lois et sa constitution politique menacées par un usurpateur insolent. Néanmoins, comme derrière Laupapa ils voyaient le consul anglais et la puissance de l’Angleterre, ils adressèrent au gouvernement de la reine Victoria la protestation suivante.


{'c|A SON EXCELLENCE LE MINISTRE DE LA MARINE DU GOUVERNEMENT ANGLAIS.}}

8 janvier 1869.

« Moi, Maliétoa, je Vous adresse cette suppliante, lettre pour vous faire part de la crainte et de la frayeur que nous cause le consul de votre gouvernement à Apia, car, il faut vous l’avouer, notre gouvernement des Samoa sent sa faiblesse, et s’effraie bien vite.