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« Que votre excellence veuille donc m’excuser si j’ose la supplier de nous enlever cet homme qui fait bien des choses qu’il ne devrait pas faire, et de nous donner son remplaçant avec lequel nous serons en bons rapports, et qui sera le bienvenu parmi nous.

« Une des choses que nous avons à lui reprocher, c’est de juger et de condamner à des amendes avant de s’être assuré de la culpabilité des personnes. Un autre grief, c’est qu’il a poussé mon neveu à se faire élire chef du gouvernement, bien que la majorité de ceux qui ont le pouvoir de nommer à cette charge ne fût pas pour lui. Sans doute que cela va occasionner la guerre et toutes ses suites désastreuses, vrais malheurs pour Samoa.

« Une autre chose odieuse que nous reprochons à Williams, c’est que, pour encourager les partisans du jeune Laupapa et pour donner de l’éclat à son sacre, il lui a fourni des richesses, des armes et mille autres choses semblables. De plus il lui a promis le secours efficace du gouvernement anglais et de ses navires de guerre.

« Ce serait trop long d’énumérer à votre excellence tous les griefs que nous avons contre ce consul, qui fait souffrir notre cœur. Ces quelques faits suffisent pour vous expliquer ma hardiesse d’oser encore vous supplier d’avoir pitié de nous et de nous enlever ce monsieur pour le remplacer par un autre qui agisse avec justice et que nous recevrons de notre mieux.

« Je suis, etc.« MALIETOA. »


Cette lettre suppliante, dans laquelle se lisent si clairement les craintes que les chefs samoans ressentaient à la pensée d’un conflit avec l’Angleterre, parvint-elle à son adresse ? Cela est douteux ; en tout cas, il n’est pas probable que l’humble requête du Maliétoa eût été pleinement accueillie, et que la satisfaction qu’il demandait, c’est-à-dire l’éloignement du consul, eût été accordée.

Pendant que les deux partis en armes se préparaient à la guerre, la frégate anglaise le Challenger, commandée par le commodore Lambert, vint mouiller dans la rade d’Apia. Elle avait été précédée de l’aviso français le Coetlogon, en route pour la Nouvelle-Calédonie. Les deux commandans furent sollicités de reconnaître le jeune Laupapa comme Maliétoa. Tous deux s’y refusèrent. Le commodore Lambert engagea même le consul anglais à ne pas intervenir dans les affaires des Samoans, en s’appuyant sur la décision récente du gouvernement anglais à l’égard des Viti, dont il avait décliné l’annexion. Ce refus des deux commandans fut très sensible au consul et découragea même les partisans de Laupapa. Aussi, se sentant incapable de triompher de ses adversaires, dont l’armée comptait les chefs de presque tout l’archipel, le jeune chef consentit à des négociations, Une assemblée générale eut lieu à Malinuu, sous le