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crédit commercial, et rien pour faciliter les emprunts de l’agriculture. La responsabilité du gouvernement n’a pas été épargnée ; on lui a reproché d’avoir montré une funeste complaisance en laissant coter à la Bourse des valeurs étrangères qui ne méritaient, pas cette faveur, et même d’avoir, au grand détriment de nos campagnes, excité nos capitaux à prendre la direction des pays étrangers. Une ville de 50,000 habitans, dont l’exemple a été cité dans l’enquête agricole, a fourni jusqu’à 12 millions de francs aux chemins de fer espagnols. Que de bien cette somme aurait fait à l’agriculture, si, au lieu de passer les Pyrénées, elle avait été employée à féconder notre sol ! On s’est plaint également de l’élévation du taux de l’intérêt. Or pour l’agriculture la cherté du crédit équivaut à l’absence du crédit, c’est la ruine prochaine. Les sociétés du Crédit foncier et du Crédit agricole ont à leur tour été prises à partie. On a reproché au Crédit foncier de n’avoir fait d’affaires qu’avec les constructeurs de maisons dans les grandes villes, et d’avoir, autant que possible, évité de traiter avec les propriétaires d’immeubles ruraux, — au Crédit agricole de n’avoir créé qu’un nombre insuffisant de succursales, ce qui démontrait l’intention de se tenir loin des emprunteurs pour lesquels ces établissemens paraissaient être créés. Enfin des attaques ont été dirigées contre notre législation, qui réellement semble avoir été faite pour empêcher tout crédit agricole. La saisie immobilière est tellement hérissée de formalités que le prêteur s’arrête devant la difficulté de vendre le gage. En effet, le prêt hypothécaire est loin d’être sûr ; un débiteur difficile peut, en élevant incident sur incident, reculer l’échéance bien au-delà du terme convenu et faire perdre au créancier son temps ou son argent, l’un et l’autre quelquefois. Ce n’est pas tout. L’agriculteur, ajoute-t-on, a des valeurs considérables, des récoltes sur pied, des animaux, des instrumens. S’il pouvait les engager, le crédit lui ouvrirait sa porte, tandis qu’il la tient fermée parce qu’un article du code exige la mise en possession du prêteur pour que le nantissement produise des effets à l’égard des créanciers.

À ces causes du mal, les intéressés proposent divers remèdes. Les uns demandent que la Bourse soit désormais fermée à ces valeurs trompeuses dont l’intérêt élevé séduit les petits capitalistes, ordinairement peu éclairés, et les détournent des prêts agricoles. D’autres veulent qu’on ramène par voie d’autorité le Crédit foncier et le Crédit agricole à l’objet qui les a fait instituer, ou, mieux encore, qu’on crée une banque spécialement affectée à l’agriculture, douée de la faculté d’émettre des billets au porteur et capable de fournir de l’argent à bon marché. Enfin un troisième groupe demande que les formes de l’expropriation forcée soient simplifiées, que le gage soit constitué sans enlever la possession à l’emprunteur, et que les