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récoltes sur pied puissent être données en nantissement. Ces doléances, que l’on a nommées les Cahiers de l’agriculture en 1867, correspondent-elles à un mal réel ou ne sont-elles que la plainte d’un mal imaginaire ? C’est ce que nous allons examiner en réduisant les griefs énoncés et les remèdes proposés à leur juste valeur.


I

Avant d’aller plus loin, voyons comment l’agriculture au point de vue du crédit est traitée dans les autres pays. Depuis un temps immémorial, il existe en Espagne des greniers qu’on appelle positos, et qui peuvent être considérés comme un essai rudimentaire de crédit agricole. On ne sait rien de certain sur l’origine de ces positos, si ce n’est qu’ils existaient avant Philippe II, et qu’ils furent créés tantôt par des conventions entre les habitans des communes et tantôt au moyen de fondations pieuses. Les positos ont un double objet : 1° de fournir aux laboureurs la semence de la récolte à venir, 2° de leur procurer des alimens pour les derniers mois qui précèdent la moisson. Pour le premier de ces objets, le maire, quand arrive l’époque des emblavures, fait appel aux journaliers et laboureurs pauvres, les invitant à faire connaître leurs besoins, les terres qu’ils ensemencent, la quantité de grains qu’ils possèdent, ce qui leur manque, leur position. Sur leur demande et après enquête, le conseil municipal fixe la manière dont sera faite la répartition. C’est aussi le conseil municipal qui fixe la répartition des secours alimentaires pour les mois qui précèdent la moisson. S’il reste du grain après la première répartition, le posito peut faire du pain pour son compte ou le confier au plus offrant des boulangers. Lorsque le prix du blé est élevé, le posito doit porter ses réserves sur le marché, afin d’y produire la baisse. — La restitution des avances a spécialement attiré l’attention du législateur. Les grains ne sortent du posito que moyennant une obligation de l’emprunteur garantie par une hypothèque ou un cautionnement. Au moment de la récolte, époque où expirent les délais pour les prêts de l’année précédente, les débiteurs doivent restituer ce qu’ils ont emprunté avec l’intérêt à 3 pour 100, s’ils ont reçu de l’argent, ou, si c’est du blé, à raison de 1/24 par fanègue (un medio celemin por fanega).

La création des positos est due au besoin de combattre la disette. Aussi, à mesure que la culture fera des progrès et que les vérités économiques exerceront une plus grande influence sur la marche de l’administration, l’utilité des positos ne peut qu’aller en diminuant. Ils se transformeront probablement en magasins généraux, et il faut convenir qu’en Espagne, si les municipalités