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nous paraît le plus sûr moyen de sauver des milliers de blessés et de prévenir une multitude de mutilations imposées à l’art par les fatales conditions d’encombrement, l’insalubrité et d’insuffisance de soins que déplorent l’humanité et la science. »

Aujourd’hui nous n’avons plus à craindre le manque de médecins, ni l’effrayante mortalité due soit à l’abandon, soit à l’encombrement des blessés, soit encore à la pénurie des objets de pansement, ainsi que cela s’est vu en Crimée et en Italie. Notre service d’ambulances de campagne et d’ambulances sédentaires est bien organisé ; mais, s’il est prouvé qu’en suivant les conseils de M. Sédillot on peut sauver beaucoup de malades, pourquoi négliger ces moyens d’arracher tant d’hommes à la mort et d’économiser tant de vies précieuses et si glorieusement compromises ? Le système de dissémination complète proposé par M. Sédillot implique sans doute des difficultés de plus d’une sorte, mais l’heure n’est-elle pas venue de vaincre les difficultés ?

Depuis le commencement de la guerre, la charité publique et l’initiative individuelle ont montré ce qu’elles pouvaient pour le soulagement des maux qu’entraîne cet affreux fléau. La philanthropie la mieux entendue s’est donné carrière, et l’on peut dire que, pour tout ce qui touche le soin des blessés et la sécurité des familles des victimes de la lutte, les particuliers ont fait plus que le gouvernement. Plus le malheur s’est découvert, plus la catastrophe s’est annoncée, plus on a vu grandir la générosité des citoyens. Ils n’ont rien voulu négliger pour assurer le salut final, ils n’ont reculé devant aucun sacrifice matériel. C’est à la fois beau et touchant. On dit que des difficultés se sont élevées entre les divers services sanitaires, soit dans leurs rapports avec le gouvernement. Il nous serait pénible de croire à des conflits qui ne peuvent provenir que de malentendus, à des compétitions dont le but serait absolument anti-patriotique. Il ne doit plus exister ni impédimens administratifs, ni questions de paperasse. La direction du service de santé militaire, qui avait d’abord été aux mains d’un éminent hygiéniste, M. Michel Lévy, a passé dans celles de M. Hippolyte Larrey. Celle des ambulances internationales appartient à MM. Nélaton et Chenu. La ville s’est chargée des ambulances municipales. Tout cela peut très bien fonctionner simultanément dès que l’entente patriotique est unanime, qu’on n’a en vue que le salut de la patrie. Ajoutons que celui-ci est assuré, si à l’hygiène du corps se joint l’hygiène des âmes, c’est-à-dire la résolution, la fermeté, le courage, la constance et la foi dans le triomphe. Voilà les mâles vertus qui rendront facile la lutte et certaine la victoire.


FERNAND PAPILLON.


C. BULOZ.