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américain[1]. M. Wells fait remarquer avec raison que l’industrie des lainages a besoin d’un assortiment très varié de matières premières, et que lui refuser cet assortiment, c’est la mettre dans une condition d’infériorité certaine. Il ajoute que la fermeture du marché américain aux laines brutes étrangères a permis aux industriels du dehors d’obtenir la matière première à meilleur compte, et leur a donné le moyen de faire encore ainsi, malgré l’exagération des tarifs, une rude concurrence aux États-Unis. De là la détresse de l’industrie lainière, détresse dont les possesseurs de troupeaux ont ressenti durement le contre-coup.

Il ne paraît pas nécessaire de s’arrêter davantage aux argumens de l’école purement protectioniste. Si nous consultons maintenant la majorité des cultivateurs ou des éleveurs, nous nous trouverons en présence de deux opinions différentes qui semblent être assez également répandues, et qui s’accordent sur le point le plus important, sur la conduite que doivent tenir les éleveurs. La division ne porte que sur l’opportunité qu’il y aurait d’ajourner ou de proclamer la liberté commerciale complète, dont l’une et l’autre opinion admettent le principe. Aux yeux de ceux qui les professent, la dépréciation des laines est en soi un mal irrémédiable ; il faut, sans renoncer absolument à la production de la laine, ne plus considérer le produit des toisons que comme un appoint, et songer avant toutes choses à la transformation de nos races ovines ; il faut, au lieu de races tardives à laine fine, élever des races précoces à lame plus ou moins abondante, plus ou moins commune, mais d’un engraissement rapide, et qu’on puisse livrer au bout de peu de temps à la boucherie, surtout dans des circonstances comme celles où nous sommes. Maintenant, tandis qu’un certain nombre des partisans des races précoces croiraient inutile et même funeste de revenir en arrière en ce qui touche les lois de douanes, d’autres souhaitent qu’on établisse, au moins pour le temps nécessaire à la transformation des troupeaux, un droit protecteur sur les laines, ou plutôt, pour employer leur langage, un droit compensateur relativement modéré, qui, remplaçant pour le trésor une partie des taxes perçues à l’intérieur, pourrait ainsi venir en déduction des impôts supportés par l’agriculture. Les premiers pensent comme la Société d’agriculture de Nancy, qui déclare ne connaître aucun moyen de remédier à la dépréciation des laines, et qui ajoute que la compensation doit uniquement être cherchée dans la production de la viande, ou comme le comice de Marie, dans l’Aisne, qui engage tous les éleveurs à tourner leurs efforts vers l’engraissement, et qui assure que le salut

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1870, l’Américanisme commercial, par M. Louis Reybaud.