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il est soumis ; ils n’existent pas ou sont bien affaiblis dans les descendans métis. L’irascibilité du type anglais est apaisée par l’influence du sang normand et par le régime du pâturage.

Avec les races propres à la cavalerie légère, les croisemens ont offert plus de difficultés. L’étalon arabe a donné des métis minces et de petite taille ; l’étalon anglais est mal appareillé par les petites jumens des bruyères, et quand les métis lui ressemblent, ce qui a toujours lieu plus ou moins, ils sont exigeans en nourriture et s’entretiennent mal dans les maigres pâturages des montagnes. Par un élevage soigné et l’emploi de bonnes jumens, on a obtenu cependant de ce dernier étalon de bons et beaux chevaux. Les métis, malgré ces quelques produits exceptionnels, ne font-ils pas regretter nos anciennes races ? Les sujets sobres, robustes, tardifs, mais inusables de nos vieux types n’étaient-ils pas préférables ? Non, puisque le luxe n’en voulait à aucun prix, que l’industrie ne les employait point, et que l’armée elle-même les refusait. Les éleveurs ont donc été obligés de chercher à les modifier ou de cesser d’en produire. Il y en a beaucoup qui ont pris ce dernier parti et qui aujourd’hui font consommer leurs pâturages par des bêtes à cornes. Tandis que le nombre des bêtes bovines et des chevaux de trait augmente, celui des chevaux diminue dans les provinces particulièrement propres à la production des chevaux de selle[1].

La transformation qu’ont à subir nos races de selle du centre et du midi ne s’opère donc pas sans beaucoup de peine. Il existe pourtant dans les contrées peu fertiles où elles ont pris naissance des conditions de salubrité bien favorables à la production des chevaux, un air sec, des pâturages fermes, une herbe substantielle, des terrains montagneux où les jeunes animaux prennent de belles formes et des qualités solides. Là on peut produire et élever d’excellens chevaux, mais pourvu que par du bon foin, du grain et des graines donnés aux poulinières et à leurs produits, on supplée à ce qui manque aux herbages, surtout pour leur donner de la taille. Du reste, des distributions de fourrages d’une qualité exceptionnelle sont utiles aussi quand on élève des chevaux de selle dans des contrées d’une grande fertilité, à sol humide. Il faut dans ce cas prévenir le développement excessif du corps et les formes communes, — peau épaisse, crins gros, pieds lourds, ventre volumineux, — que tendent à produire l’humidité et les fourrages médiocres, en

  1. En 1841, on entretenait dans le Limousin 24,013 chevaux, dans la Navarre et le Béarn 58,446, dans le Roussillon et le comté de Foix 18,818 ; en 1850, on comptait dans le Limousin 20,305 chevaux, dans la Navarre et le Béarn 56,550, dans le Roussillon et le comté de Foix 16,965. Ces diminutions, quoique peu considérables, ont de la signification, parce qu’elles coïncident avec des augmentations des autres produits de l’agriculture.