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usant du pâturage avec modération et en donnant à l’écurie des alimens substantiels. Même dans les contrées les plus propices à la production chevaline, les poulains fins qui ne sont pas soignés d’une manière particulière pour la nourriture prennent une conformation qui les rapproche des chevaux communs.

Après les détails qui précèdent, peut-on dire que l’administration des haras a détruit, par les croisemens qu’elle a facilités, nos anciennes races du limousin, de la Marche, de l’Auvergne, de la Navarre ? Avec ou sans croisemens, la disparition ou la transformation de ces types était inévitable. Ils ne répondaient plus au goût et aux besoins de l’époque ; l’usage de la selle ayant diminué, le prix des chevaux légers n’a pas augmenté en proportion de celui des autres produits des fermes. Le croisement a fourni le moyen de hâter une transformation qui était indispensable. L’action en a été très marquée et très prompte ; les chevaux de luxe, pour lesquels on attache une si grande Importance aux formes, se modifient facilement par croisement ; aujourd’hui, quand on parle de l’amélioration des chevaux fins, on n’a pas à démontrer la convenance des croisemens. La difficulté, et elle est quelquefois fort grande, est de savoir quel est le type améliorateur qui doit être employé. Des connaisseurs également compétens conseillent pour la même race, les uns le cheval arabe, les autres le cheval de course. Les uns et les autres citent les bons produits de l’étalon qu’ils recommandent et les mauvais de celui qu’ils proscrivent. La plupart des insuccès, selon nous, n’ont point d’autre cause que le défaut d’un régime convenable. A l’avenir, il faut se guider d’après l’expérience du passé. Là où le croisement, continué pendant quarante ans sur une large échelle, n’a pas encore produit des métis de belle conformation, se conservant et s’améliorant même lorsqu’ils se reproduisent entre eux, la production du cheval de selle ne se trouve pas dans des conditions favorables. C’est par les métis obtenus dans tous les grands centres de production qu’il faut chercher à perfectionner nos chevaux de selle : c’est par de bons appareillemens et par un régime convenable que l’amélioration doit être continuée, et la production assurée. Les cultivateurs des contrées particulièrement propres à l’élevage du cheval de cavalerie, et qui ont persévéré à entretenir des jumens pour les faire porter, doivent être bien persuadés qu’il ne suffit pas de les croiser avec des étalons de taille élevée pour leur faire produire des chevaux tels que le luxe et l’armée les réclament ; la distribution des rations de grains aux jeunes poulains est une condition nécessaire d’un bon élevage. Elle hâte le développement iles animaux, les rend précoces, élargit la poitrine, rend les muscles puissans, et donne l’énergie sans laquelle les chevaux ne sont jamais d’un service agréable.


J.-H. MAGNE.