Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le 12 septembre, les distributions cessèrent entièrement. La dépense fut médiocre eu égard à la grandeur de l’objet, elle ne dépassa pas 1,557,282 liv. sterl. (39 millions de francs environ). La famine fut ainsi arrêtée avec un minimum de frais, et il convient d’ajouter avec un minimum d’abus[1]. »

C’était un exemple à imiter, et l’on doit regretter que le gouvernement s’en soit avisé un peu tard. Comme d’habitude, l’initiative privée lui a montré la voie à suivre en créant les cantines et en multipliant les fourneaux économiques. L’administration de l’assistance publique, la société de Saint-Vincent de Paul, la société philanthropique, les particuliers et plus tard les municipalités avaient ouvert 186 cantines et fourneaux au commencement de décembre, et l’on estimait que les rations d’alimens préparés, qui y étaient distribuées deux fois par jour, nourrissaient environ 100,000 personnes ; mais les « queues » qui les assiègent attestent combien ces cantines sont insuffisantes pour répondre à tous les besoins. Dans une réunion des maires qui a eu lieu à l’Hôtel de Ville le 23 décembre en vue de développer le système de secours sous forme d’alimens préparés, on a fait l’addition du nombre des nécessiteux inscrits dans chaque arrondissement, et qui reçoivent des secours sous différentes formes ; le total pour les 20 arrondissemens était de 471,754 individus [2]. Les arrondissemens les plus chargés d’indigens sont malheureusement ceux où le défaut de ressources n’a pas permis de multiplier les cantines autant qu’il l’aurait fallu, tandis qu’ailleurs, dans le neuvième arrondissement par exemple, des ménages bien pourvus de ressources se font nourrir gratis. Le 3 décembre, le gouvernement a rendu un nouveau décret ayant pour objet de pourvoir aux frais d’installation et d’organisation des cantines dont la création serait reconnue nécessaire. Ces frais s’élèvent de 800 à 1,000 francs environ pour chacune, en sorte que la subvention allouée par le décret du 3 décembre permettrait d’en établir encore 5 ou 600 ; mais il ne suffit pas d’organiser des cantines, il faut les approvisionner régulièrement, il faut encore les placer sous un contrôle vigilant et sévère, et sous ce double rapport il y a malheureusement encore beaucoup à faire.

Toutefois, si l’on peut reprocher au gouvernement d’avoir manqué à certains égards de prévoyance et d’habileté, on doit lui savoir gré d’avoir résisté aux injonctions des promoteurs du « réquisition-

  1. Histoire de la famine d’Irlande en 1845, 1846 et 1847, par M. C.-E. Trevelyan, traduite par M. A. Mothéré.
  2. Voici comment ce chiffre se décompose : 1er arrondissement, 8,000, — 2e, 12,000 — 3e, 24,000, — 4e, 19,000, — 5e, 15,000, — 6e, 15,000, — 7e, 10,800, — 7e, 8,000, — 9e, 14,500, — 10e, 20,000, — 11e, 30,000, — 12e, 25,000, — 13e, 34,000, — 14e, 15,000, 15e, 30,000, — 16e, 12,000, — 17e, 39,454, — 18e, 60,000, — 19e, 66,000, — 20e, 20,000.