Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
204
REVUE DES DEUX MONDES.

maigre pitance de siège, qui veulent des mets délicats, c’est-à-dire l’impossible, des cartouches et des boulets d’une forme particulière et très compliquée, dans une ville qui ne possède plus ses ressources normales de production.

Il y avait à Paris le jour où les Prussiens sont arrivés et ont intercepté les communications 2,627 bouches à feu de place et de siège, chiffre supérieur à celui de l’armement réglementaire des forts et de l’enceinte, armement étudié à fond pendant l’année 1868 par une commission mixte d’officiers de l’artillerie et du génie présidée par le général de Bentzman. Cette commission avait déterminé, pour chaque bastion de la fortification, non-seulement le nombre et l’espèce de bouches à feu qui devaient lui être attribuées, mais aussi le rôle de chacune d’elles, comme tout le monde peut le constater par la planchette suspendue à côté de chaque pièce, planchette où sont consignés les points à battre, les distances exactes de ces points à la pièce et les hausses à donner pour atteindre ces points. Disons en passant que ces planchettes indiscrètes réduisent à leur juste valeur les récits fantastiques que l’on se plaît à faire sur les merveilleuses aptitudes de certains pointeurs. Les pièces de la défense fixe ont été mises en batterie au fur et à mesure de l’achèvement des travaux préparatoires, à l’exception de quelques centaines restées à la disposition du commandement pour être envoyées sur les points qui auraient besoin d’être renforcés. La défense mobile était représentée par 92 batteries de campagne et à batteries de montagne : soit 2,627 bouches à feu de position et 576 bouches à feu mobiles, ensemble 3,203. Ces bouches à feu étaient en moyenne approvisionnées à 400 coups, et la réserve de poudre en barils s’élevait à 2,600,000 kilogrammes.

Depuis l’investissement, l’artillerie, plus préoccupée du soin d’améliorer et d’augmenter ses approvisionnemens que d’allumer de nouveaux feux, a rayé un grand nombre de pièces de 8, de 12 et de 24 lisses, et modifié le matériel correspondant ; elle a construit ou fait construire sous sa direction 425 affûts et 152 voitures diverses, fait couler 205,000 projectiles, fabriqué 368,000 fusées et 97,000 boîtes à mitraille. Elle a organisé une poudrerie produisant 5,000 kilogrammes par jour, des ateliers de cartouches qui en ont fourni journellement jusqu’à 1 million ; enfin elle a réinstallé dans Paris les ateliers qu’elle possédait à Meudon, et y a livré 8 batteries de canons à balles et 4 batteries de canons se chargeant par la culasse, ce qui porte à 108 le nombre des batteries de campagne disponibles, à 648 celui des bouches à feu mobiles, et à 3,275 le chiffre total des bouches à feu fournies par elle à la défense de Paris. De son côté, le génie civil a porté au fonds commun 50 mortiers de