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L’ARTILLERIE DEPUIS LA GUERRE.

du devoir d’examiner les élucubrations des inventeurs, parce que la plupart de ces élucubrations sont insensées, que l’examen de ces prétendues découvertes fait perdre un temps précieux, que presque tous les malheureux qui se livrent à cette industrie ont pour but, soit de mendier une récompense, soit de se procurer les élémens d’une réclame. Dans un pays libre, un homme libre, quand il a une idée, doit s’efforcer de la réaliser à ses risques et périls. Si son idée est bonne, il doit en faire lui-même la preuve, comme il doit en avoir l’honneur et le profit.

Le comité d’artillerie fonctionne pendant six mois, du 1er janvier au 1er juillet. Pendant les six autres mois, les officiers-généraux qui le composent voyagent ; ils sont occupés aux inspections générales. C’est pourquoi tant de personnes se plaignent du retard apporté dans l’expédition d’affaires qui ont un grand intérêt pour elles. Elles auraient tout à fait raison de se plaindre, si le comité de l’artillerie avait été spécialement et exclusivement créé pour examiner les propositions qu’on lui soumet ; mais il est loin d’en être ainsi, et l’on ne serait que juste en lui laissant le temps de s’occuper des intérêts de l’arme. Ai-je besoin d’ajouter qu’en ce moment il n’y a pas de comité de l’artillerie ? Sur treize membres dont il était composé au 1er juillet, un, le général Liedot, a été tué à Sedan, huit sont prisonniers en Allemagne ; les quatre autres, parmi lesquels se trouvait le général de Bentzman, qui vient de mourir, exercent des commandemens dans l’armée de Paris.

Prenons le comité en fonctions, chargé de donner au ministre des avis sur toutes les questions qui se présentent. Je n’étonnerai personne en disant que les généraux mettent rarement la main à la besogne ; on la leur prépare. Ils ont pour cela des aides-de-camp, qui sont jeunes, des officiers adjoints, également jeunes ou d’âge moyen, choisis parmi ceux qui ont montré des aptitudes particulières dans les diverses branches du service de l’artillerie. Un avis du comité n’est donc pas l’avis d’un aréopage sénile, c’est la résultante des opinions d’hommes encore dans l’âge où l’esprit va de l’avant, modérées par l’expérience d’hommes arrivés au sommet de la carrière. Si ce mélange n’était pas trouvé conforme à ce qu’exige la vraie pratique des affaires, il faudrait admettre que tout homme âgé de plus de trente-cinq ans est frappé d’incapacité civile et militaire.

Ceci posé, l’artillerie tient en principe à surveiller et à diriger elle-même la construction de son matériel, et elle a de très bonnes raisons pour y tenir. D’abord c’est son droit. Se considérant comme une branche spéciale de l’industrie, il lui parait aussi naturel de conduire ses propres opérations qu’il l’est aux compagnies