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de chemins de fer, aux messageries nationales, à la plupart des grandes entreprises industrielles, de régler les leurs. C’est aussi le seul moyen connu et efficace de former des officiers d’artillerie. Un officier qui n’a pas mis la main à la construction du matériel, qui n’a pas eu l’occasion d’étudier de près les matières premières, la préparation, la mise en œuvre, les transformations qu’elles subissent, l’ajustage et l’assemblage des pièces, l’emmagasinage, la conservation et la réparation du matériel, n’est pas un officier d’artillerie. C’est un officier de canonniers, ce qui est différent, quoique très honorable aussi.

Le but final de l’artillerie est de tirer le canon. C’est une opération fort simple, à la portée de tout le monde et sans danger, quand on n’a pas les oreilles trop délicates et que le matériel est bon. Il n’en est pas de même, si le matériel est mauvais ou seulement défectueux. Il arrive alors de graves accidens, ou tout au moins des dérangemens capables d’avoir les conséquences les plus fâcheuses sur le champ de bataille. Dans ce cas, c’est l’artillerie qui est responsable, comme elle est aussi responsable de la bonne qualité des armes et des munitions de toutes les troupes. Quand on, est responsable, on aime à voir ; de très près avec quoi et comment les choses se fabriquent, et le moyen le plus sur de le voir est de fabriquer, soi-même.

Mais si l’artillerie tient au principe, elle est plus large qu’on n’affecte de le dire dans l’application. De tout temps, elle a demandé à l’industrie ses projectiles, ses fers ébauchés, ses cordages, ses harnais, ses machines, une grande partie de ses outils et mille menus articles d’approvisionnement. Depuis les merveilleux progrès accomplis dans le traitement de la fonte, de l’acier et du fer, progrès auxquels elle n’est pas restée étrangère, elle a renoncé à forger elle-même ses essieux, ses chaînes et un grand nombre de ferrures nécessaires aux voitures et aux équipages de ponts. Elle est entrée d’elle-même, sans incitation, dans cette voie, et elle y persévérera certainement pour tous les objets dont la matière et, la bonne exécution sont faciles à contrôler. Les nombreuses commandes faites par elle dans Paris depuis le commencement de la guerre en sont la preuve, et l’empressement qu’elle a mis à fournir ses modèles, ses tables de construction, ses instrumens de vérification, ses chefs d’atelier et ses officiers au ministère des travaux publics, quand celui-ci a, voulu justement et avec raison, prendre sa part à l’œuvre de la défense, devrait lui être compté. Elle s’est prêtée à tout ce que l’on a désiré, elle ne trouve même pas mauvais que l’on dise que le canon de 7 est un produit du génie civil. Il y a bien encore pour, l’état deux motifs de préférer le travail de l’artillerie à celui