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d’une façon clandestine, beaucoup de viande de cheval. Déjà au siècle dernier, Géraud, qui s’était beaucoup occupé des questions d’hygiène publique, constatait qu’il entrait furtivement dans Paris une quantité considérable de chair de cheval et d’âne, qui était vendue comme viande de bœuf, de veau, etc. Au commencement de ce siècle, des commissaires de police ont saisi jusqu’à 400 kilogrammes de cette viande dans les restaurans des quartiers pauvres de la capitale [1]. Les hommes qui ont le plus étudié cette question, qui ont eu occasion de faire des observations nombreuses, ont tous constaté que l’usage de la viande de cheval n’a jamais produit de maladies, ni même aucune indisposition. Il pouvait être utile de noter ce fait à une époque où l’on poursuivait ceux qui débitaient la viande de cheval.

Pendant plus d’un quart de siècle, M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, secondé par la Société protectrice des animaux et par la Société d’acclimatation, dont il a été le président jusqu’à sa mort, a fait les plus généreux efforts pour populariser la viande de cheval. Des sociétés fondées dans tous les états ont coopéré au même but. Elles se proposaient les unes et les autres de diminuer les souffrances qu’on fait endurer aux chevaux quand ils ne peuvent plus rendre de services : nourriture insuffisante, excès de travail, brutalité des conducteurs, mauvais traitemens, enfin mort souvent cruelle dans les clos d’équarrissage. Elles voulaient aussi améliorer les conditions hygiéniques des classes ouvrières et des habitans des campagnes par l’introduction dans leur alimentation de l’immense quantité de viande que pourraient fournir les diverses espèces du genre cheval. Leurs efforts ont été loin de produire les résultats qu’elles en attendaient. Elles étaient parvenues cependant à obtenir l’ouverture de boucherie de cheval dans quelques villes de la Suisse, de l’Allemagne, du Hanovre, etc., à faire augmenter le chiffre de celles qui existaient dans le Danemark depuis un demi-siècle. Paris en comptait un assez grand nombre dans les quartiers habités principalement par la classe ouvrière. La première fut ouverte au boulevard d’Italie le 6 juillet 1866. Un encouragement de 500 francs fut offert par notre confrère, M. Decroix, au fondateur de cet établissement. Des banquets hippophagiques, des repas de viande de cheval, eurent lieu dans des établissemens publics et chez des particuliers. Un de ces banquets, tenu au Grand-Hôtel le 6 février 1865, eut un assez grand et utile retentissement. Le comité d’organisation avait fait abattre, pour ce repas, un cheval de onze ans, un de dix-

  1. Recherches et considérations sur l’emploi des chevaux morts, par Parent-Duchâtelet, p. 19