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cate que celle du cheval qui a été privé de la faculté de se reproduire. Ce point ne paraît pas contestable. Quand les éleveurs seraient assurés de pouvoir vendre leurs chevaux pour la boucherie, ils rendraient impropres à la multiplication de l’espèce beaucoup d’individus que de nos jours ils conservent entiers, et les prépareraient ainsi aux différens services de l’armée. Il n’est pas bon d’admettre dans les rangs des chevaux qui n’ont pas été coupés ; généralement ils se font remarquer par leur turbulence, et surtout on ne peut pas les réunir à des jumens. En outre ils ont une conformation vicieuse au point de vue de la cavalerie : une tête lourde, une encolure forte et une crinière touffue. Avec le mode d’élevage qui serait adopté, ils prendraient les formes, la tête légère, l’encolure fine, qu’on recherche pour le service de la selle. Parmi les chevaux des omnibus, et en général parmi ceux qui sont utilisés par l’industrie, il en est beaucoup qui, à cause de leur lourdeur, sont impropres ou peu propres à la cavalerie, et qui auraient pu faire d’excellens chevaux pour les lanciers, pour les dragons, s’ils avaient été préparés jeunes en vue de cette destination.

Mais la facilité des remontes ne résulterait pas seulement de ce que les acheteurs pourraient choisir les chevaux sur un nombre plus considérable d’individus et sur des individus mieux préparés ; ce qui contribue le plus à rendre difficiles les remontes de l’armée, nous l’avons déjà dit ici[1], c’est l’inégalité des besoins selon les années, et par suite l’irrégularité des achats. Pendant la paix, l’état n’achète pas ou achète peu, la production se ralentit, et les chevaux manquent quand ils sont nécessaires. Si ces animaux étaient utilisés pour la boucherie, l’administration militaire ferait, sans nuire aux intérêts de l’état, des réformes plus fréquentes ; elle n’aurait aucun intérêt à conserver les chevaux qui laisseraient à désirer quant à la santé et aux tares, elle ne conserverait que les animaux capables de faire un bon service. Les réformes étant ainsi plus nombreuses, les achats seraient renouvelés plus souvent. La production pourrait être dès lors maintenue en rapport avec les besoins des services.

L’hippophagie peut devenir un puissant encouragement pour la production chevaline dans celles de nos provinces qui ont toujours eu une réputation européenne à cause des qualités de leurs chevaux, le Limousin, la Navarre, l’Auvergne, le comté de Foix, etc., qui n’ont abandonné cette production que par nécessité absolue, quand par suite des nouveaux moyens de transport on n’a plus utilisé que des chevaux de diligence et d’omnibus, et qui ne de-

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1870.