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rence essentielle entre les peuples, et la communauté d’un parler identique dans le fond, malgré la variété des dialectes, est le signe propre et caractéristique d’une individualité nationale.

La langue que chaque homme apprend sur les lèvres de ses parens et qu’il parle à son tour dans sa famille étant pour M. Bœckh le point de départ de la vie nationale, la culture de la langue maternelle est la première règle du « principe de la nationalité. » Elle doit être enseignée dans l’école, employée par l’église pour l’enseignement religieux ; elle doit servir d’intermédiaire non-seulement dans les relations de la vie privée, mais aussi dans les manifestations de la vie publique. Y a-t-il donc une preuve plus grande de « l’injustice d’une possession territoriale et de la nécessité d’y mettre fin » que l’existence d’une langue officielle qui tend à remplacer et à détruire la langue maternelle d’une population ? Le devoir des peuples civilisés doit être de favoriser le développement intellectuel de chaque nationalité par l’intermédiaire de sa langue. Dans les états qui sont un mélange de diverses nationalités, chaque langue devra être reconnue langue nationale dans le district où elle est parlée. La langue officielle doit restreindre son empire aux affaires d’intérêt général. « Faire prévaloir en ce sens le principe de la nationalité au profit de son propre peuple, comme au profit de tous les peuples qui souffrent de l’oppression d’une langue étrangère et qui peuvent en être délivrés par la victoire de ce principe, c’est la glorieuse mission de notre nation allemande. Pas n’est besoin pour cela de la domination extérieure d’une nation déterminée ; mais il est besoin de la domination d’un principe commun, c’est-à-dire de la reconnaissance absolue de la liberté entière de chaque peuple de garder l’usage de sa langue dans les demeures où il est originaire, ou dans lesquelles il a étendu sa colonisation. Quant aux états qui ne reconnaissent pas le principe de la nationalité, et nient ainsi l’ordre supérieur de la vie intellectuelle des peuples, il faut donner une protection efficace aux populations de nationalité distincte, et au besoin séparer ces populations de l’état qui les opprime. » M. Bœckh appelle le droit international à consacrer ce nouveau principe et à en assurer l’exécution dans les différens états par des garanties réciproques.

Les partisans du pangermanisme sont en effet intéressés à remplacer le principe des nationalités par le « principe de la nationalité. » Dans les provinces slaves de l’Autriche, où la population allemande descend de colons ou d’émigrans fixés au milieu de la population indigène, l’élément germanique accru en nombre, après avoir longtemps dominé grâce au système centraliste de Vienne, prétend aujourd’hui à l’égalité là où il n’est qu’un hôte. C’est exac-