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tement exactement la fable de la Lice et sa Compagne. L’Allemagne a « étendu sa colonisation » sur les pays slaves, et cela légitime son ingérence dans les affaires des Slaves. De ce côté du Rhin, des populations allemandes de race et de langue ont été, en vertu des traités, incorporées au royaume de France ; mais la vie en commun a fait naître l’estime et l’affection réciproques. L’Alsace est aujourd’hui française de cœur : c’est un fait indiscutable, que les Allemands peuvent d’autant moins nier qu’ils voient comme on les y accueille. Cette province a pourtant gardé, avec les mœurs germaniques, l’usage de la langue allemande, et c’est là pour les chevaliers du pangermanisme le prétexte de leur intervention en vue de regermaniser l’Alsace, de faire respecter sa « nationalité » malgré nous, et, chose plus grave, malgré elle. « La reconnaissance de la nationalité, telle que la montre le langage populaire hérité des aïeux, est la mesure que le principe de la nationalité est en droit d’exiger. Que la langue allemande soit la langue des affaires et des tribunaux dans les localités où sont fixés des Allemands, que le service divin soit célébré en allemand dans les communautés de nationalité allemande, que des écoles allemandes soient réservées aux enfans de parens allemands, et que le génie allemand exerce son influence dans les établissemens d’instruction supérieure destinés aux Allemands, telles sont les prétentions que la nation allemande doit faire prévaloir comme son droit au nom du principe de la nationalité. Les mettre à exécution, ce ne serait en vérité qu’effacer les vieilles hontes de l’Allemagne, celles surtout que notre voisin de l’ouest a, sous la conduite de ses Bourbons, de ses conventions et de ses césars, accumulées sur nous en opprimant avec obstination la nationalité allemande. Effacer ces vieilles hontes est pour la nation allemande un devoir aussi imprescriptible que la prétention de faire respecter la nationalité d’origine est un imprescriptible droit. Rendre à la langue allemande en Alsace et dans la Lorraine allemande (Westreich)[1] ses anciens privilèges comme langue nationale, réduire la langue française à la position qui lui revient comme langue officielle et comme langue maternelle d’une petite partie de la population soit originaire, soit établie de date récente dans le pays, telle serait la condition indispensable à laquelle l’esprit allemand, qui grandit tous les jours, pourrait sans avilissement voir se continuer l’union avec un état étranger d’une partie importante de la nation allemande. Elle seule pourrait, sans changement de frontières, donner à la nation allemande le gage de la paix et de l’amitié ; mais

  1. Les Allemands affectent de désigner par le nom de Westreich (royaume de l’ouest, en opposition à Œstreich, Autriche, royaume de l’est) les pays de langue allemande des bords de la Sarre.