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sition nouvelle. Entre l’exonération des uns et la désertion des autres, il y avait une balance qui faisait des appels de la république un des moyens les plus actifs pour la circulation de l’argent. À côté de cet abus dont les généraux étaient les témoins et les victimes sans pouvoir le combattre, il y avait sans doute ceux des excuses et cas d’exemption dont ils n’étaient pas instruits, et qui disparaissaient dans l’énormité du précédent. Devant un tribunal de magistrats municipaux presque irresponsables où la politique et les intérêts particuliers parlaient plus haut parfois que les besoins de la guerre, combien de citoyens pouvaient se dérober à leur devoir ! Dans un conseil tumultueux de révision, de quel poids ne devait pas être une profession bruyante de civisme, une réputation de club, une parenté d’un républicanisme éprouvé ! Voilà ce que présentait le passé, voilà les antécédens de la garde mobile.

La plus grande difficulté est vaincue, chacun désormais aura sa part du péril ; mais le problème des exemptions nécessaires n’est pas résolu. Les supprimer entièrement est chose impossible. Dans les nations où la loi militaire est le plus rigoureuse, en Prusse même, elles existent. Partout les soutiens de famille et les fils de veuve demeurent sous leur toit, dont ils sont l’unique support. Ce n’est pas tout, l’agriculture et en certains cas l’industrie jouissent de la même faveur que les familles. Un domaine qui en l’absence de son propriétaire resterait sans culture est considéré comme un foyer dont les habitans débiles, femmes, enfans, vieillards, ne peuvent se passer de leur chef et de leur père nourricier. Une fabrique fermée par suite du départ d’un indispensable patron est assimilée à une veuve abandonnée sans pain. L’agriculture toujours et l’industrie quelquefois sont aussi nécessaires à un pays que l’armée ; elles font même partie de la défense nationale. Tel est l’esprit de la loi même en ce pays de Prusse armé jusqu’aux dents. Seulement les exemptions y sont conditionnelles, précaires. Les individus, pareils à des soldats en permission, y sont congédiés jusqu’à nouvel ordre, jamais libérés. De plus ces privilèges accordés à titre de concession ne deviennent jamais des droits, et c’est le pur bon plaisir qui les suspend ou les révoque. Cela est bon pour la Prusse, où de simples ordonnances arrêtent l’exécution des lois et sont obéies ; les exemptions, étant pratiquées dans l’intérêt de l’état, qui a besoin d’agriculteurs et d’ouvriers, sont supprimées aussi dans cet intérêt. En France, elles sont le droit et le bénéfice des individus ; ne pouvant les suspendre, il faut qu’on en réduise autant que possible le chiffre. Plus de fils de veuve riche, plus de soutiens de famille jouissant de 100,000 livres de rente, comme cela s’est vu naguère grâce à des préfets complaisans. Les Prussiens, qui se gouvernent militairement