Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/493

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ce que nous disions tout à l’heure du courage particulier à cette province, de cette valeur originale pleine de feu et d’inspirations heureuses. Les rapports du colonel de Grancey contiennent des faits curieux que les journaux n’ont point connus. On y verrait l’histoire d’un singulier combat engagé dans un four, de trois Bavarois faits prisonniers dans une chambre par un seul homme qui mit les deux premiers hors de combat à coups de baïonnette, et reçut du troisième un énorme coup de crosse. Non-seulement sa tête solide d’enfant de Beaune ou de Nuits n’en fut pas étourdie, il désarma son ennemi. On y verrait l’exploit imprévu d’un capitaine qui par son sang-froid inspira la terreur à sept hommes cachés dans une cave et leur fit jeter leurs fusils à terre. Celui qui dirigeait tous ces courages est tombé à la tête de sa troupe ; la Bourgogne a perdu en lui un de ses plus nobles enfans.

Au centre et au midi de la France, soit que la lenteur des hommes, soit que le soin de la vendange ait empêché les bataillons de sa trouver aussitôt prêts que leurs camarades du nord, de l’est et de l’ouest, nous ne trouvons guère que des arrondissemens détachés qui aient fourni leur contingent, Poitiers, Châteauroux, Valence, Ambert. Cependant le Tarn et l’Hérault sont au complet. Le premier, grâce à l’activité de son colonel, a ses quatre bataillons de beaux soldats, qui, des premiers, ont pu faire le service des grand’gardes, tenir la campagne et faire bonne contenance aux lieux les plus exposés. On ne sait pas assez ce qu’il a fallu d’efforts aux chefs de la mobile de province pour répondre à l’appel de Paris. Un département entendait parler depuis deux ans de la garde mobile comme d’un projet vaguement conçu que son auteur, le maréchal Niel, n’était plus là pour exécuter, que le successeur défendait à la chambre sans y croire, que le général commandant le département ne se cachait pas de condamner d’un simple mouvement d’épaules. Les bourgeois des villes s’en plaignaient parce qu’ils lisaient les discussions du corps législatif ; les paysans en soupçonnaient à peine l’existence. Il y avait pourtant un cadre d’officiers, incomplet, il est vrai ; quant aux hommes, personne avant le 15 août ne s’en était occupé. Ce récit fidèle de ce qui se passa dans le Tarn est à peu près l’histoire de tous les départemens. Les braves Languedociens arrivèrent à Paris le 13 septembre, les uns en blouse, les autres en veste de leur pays. Ils étaient graves, silencieux, il n’y a que leur doux patois qui soit harmonieux à leurs oreilles ; mais, quand on parvenait à les faire parler, il fallait les entendre vanter les beaux fruits sucrés de leur terroir, leurs vins transparens, qu’ils ne craignaient pas de mettre au niveau de ceux de la Gironde. Ils ont dû passer un automne bien maussade et un hiver