Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/495

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par portions égales de laboureurs et d’ouvriers, fournit des contingens qui se confondent plus vite avec ceux des autres régions. Le Finistère et les Côtes-du-Nord se reconnaissent aisément à leur gaîté pleine d’entrain ; ils sont marins, pour ainsi dire, de naissance, la plupart des matelots qui ont défendu nos forts viennent de ces contrées. Entre tous les Bretons, le Morbihan et l’Ille-et-Vilaine sont les moins bruyans. Le premier a la tristesse de ses landes et de ses monumens druidiques ; le second est calme et silencieux comme ses champs étroits, enfermés dans des haies de grands chênes émondés ; mais tout ce pays est solide comme son granit, il a la ténacité de son vieux Du Guesclin, il pousse jusqu’à héroïsme la passion de sa renommée. L’hermine, que tous ses mobiles portent avec orgueil, est l’image de sa devise séculaire : potius mori quam fœdari On sait qu’ils sont accompagnés de leurs aumôniers, prêtres volontaires, ne recevant pas de solde, pas même de leurs bataillons suivant leur paroisse en marche, leurs camarades d’école ou de village, et convaincus que ceux-ci craindront moins la mort tant qu’ils croiront à une autre vie.

La garde mobile a été un essai de ce que pouvait encore pour se défendre le pays abandonné à lui-même et sans soldats. Après la guerre, la France se trouvera en présence d’un grand dilemme. Exigera-t-elle de tous ses enfans le même service militaire personnel, obligatoire, sans conscription, sans remplacement ? Nous aurions alors des soldats qui demeureraient sous les drapeaux le temps nécessaire pour former une armée solide, trois ans par exemple, et seraient versés dans la réserve, où la durée du service ne pourrait guère être de moins de quatre années, qu’ils passeraient, dans la vie civile, au grand profit de l’agriculture, de l’industrie, du commerce, et au grand soulagement de notre budget, le tout d’ailleurs sans préjudice de l’obligation qui subsisterait toujours, pour tous les hommes valides, de combattre pour le pays. C’est l’institution prussienne. Ou bien la France préférera-t-elle continuer l’institution française, et verrons-nous à côté de l’armée active et permanente une force publique composée de ceux qui, par diverses raisons, auront été exemptés du service actif ? Dans ce cas, la garde mobile n’aura pas été une expérience dont le souvenir ne subsistera plus que dans l’histoire de cette fatale année ; elle continuera d’être le peuple tout entier en armes, appelé par bans successifs des générations de vingt à vingt-cinq ans, de vingt-cinq à trente, et ainsi de suite. Trois caractères particuliers formeront comme la loi de son existence. Tous les citoyens, suivant leur âge, en feront partie ; ses services ne connaîtront pas d’autre terme que les nécessités du pays. Ses bataillons, correspondant aux arrondissemens