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les magnifiques collections réunies jadis au Champ de Mars sous le nom d’Histoire du travail.

Parmi les planches qui nous paraissent les plus intéressantes, nous citerons celles où se trouvent réunis différens motifs empruntés à l’architecture polychrome des Grecs, et celles qui sont consacrées à l’Inde, à la Chine, au Japon et à la Perse. Pompéi, l’Égypte, l’Assyrie, sont représentés dans la série par des échantillons judicieusement choisis, mais moins nombreux. On s’explique cette différence. Pour Pompéi en effet, les documens abondent dans les cartons de nos artistes et dans les ouvrages que renferment nos bibliothèques ; on n’a d’ailleurs que trop abusé déjà, dans la décoration de nos édifices publics et privés, du style pompéien. Quant à l’Égypte et à l’Assyrie, leur art est de nature plutôt à intéresser notre curiosité qu’à fournir à notre art industriel des données qu’il puisse utiliser dans une large mesure. Tout au contraire le xviie et le xviiie siècle occupent ici une place d’honneur ; c’est que notre temps, dans les arts comme dans les lettres, malgré la révolution, malgré bien des différences apparentes, se rattache par des liens très étroits à cette France d’hier ou d’avant-hier, dont nous avons encore toutes les qualités et tous les défauts. Quiconque a le goût et le sentiment de la décoration s’arrêtera devant ces beaux meubles de Boulle, qui diffèrent singulièrement des médiocres imitations qu’en fait aujourd’hui l’industrie et dont elle peuple nos salons ; on n’éprouvera pas moins de plaisir à voir papilloter devant ses yeux les vives et joyeuses couleurs de ces soieries et de ces indiennes dont étaient couverts les fauteuils et tendus les boudoirs de nos grand-mères, de ces faïences de Rouen, de ces porcelaines de Saxe qui brillaient sur leurs dressoirs.

Toutes ces aimables choses, filles des élégans loisirs, ne peuvent aujourd’hui nous donner qu’une heure de distraction, mais il est bon, pour conserver à son esprit toute son élasticité et l’empêcher de plier sous le faix et d’abattre le cœur qui a besoin de rester ferme, il est bon d’oublier ainsi parfois pendant quelques instans. On se rappelle d’ailleurs en admirant ces chefs-d’œuvre, dont plusieurs sont nés aussi au lendemain de grandes hontes et de grands désastres, quel ressort possède notre chère patrie, et comme le malheur a, en tout temps, su réveiller chez elle des forces vives, appeler à la lumière des caractères et des talens qu’elle-même, avant l’épreuve, ne se connaissait point.

G. Perrot.

C. Buloz.