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LES


GUERRE DES FRANÇAIS


ET LES


INVASIONS DES ALLEMANDS




La Prusse accuse la France d’avoir, par son insatiable ambition, apporté sans cesse le trouble dans le monde. À entendre nos ennemis, c’est pour assurer la paix de l’Europe qu’ils doivent réunir à l’Allemagne l’Alsace et la Lorraine. Selon eux, c’est au plus grand profit de l’humanité et de la civilisation que s’écroulera notre prépondérance politique et militaire. Quand on lit leurs manifestes, leurs discours, leurs articles de journaux, on dirait vraiment que nous sommes le seul peuple qui ait jamais tenté de s’agrandir, que l’Allemagne est restée absolument étrangère à de semblables projets, et que, si elle tira l’épée, ce fut uniquement pour défendre son sol menacé, envahi par des voisins ombrageux ou avides. On s’étonne que cette thèse se soit produite dans un pays où fleurissent les études historiques, où l’érudition est populaire. Certes il n’est pas besoin d’avoir pâli sur les livres, fouillé les dépôts d’archives, compulsé les documens originaux, pour savoir que, si la France a parfois été poussée par l’esprit de conquête, si elle a eu ses jours d’ivresse guerrière, les autres états européens n’ont pas moins de reproches à s’adresser à cet égard. Chacun a eu ses accès d’orgueil et de convoitise, chacun, à diverses époques, a tenté de fonder sa propre grandeur sur l’abaissement ou la ruine d’un rival. Ainsi l’autorisait un droit que je qualifierais d’ancien, si les événemens contemporains ne s’étaient chargés de démontrer qu’il est encore en vigueur, si certains politiques ne continuaient à en suivre les maximes. Les guerres ont toujours été d’ailleurs une façon de ter-