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on lui doit des réformes unanimement réclamées, que cette année fatale a rendues plus urgentes que jamais.


I.

Si on se place d’abord au point de vue de la pratique agricole, on peut constater que, dût-on assez tard se mettre à l’œuvre, rien n’est encore perdu pour la préparation des récoltes prochaines. Vingt proverbes rustiques rappellent qu’un hiver sec et froid tel que celui que nous avons eu présage presque toujours l’abondance des biens de la terre, et, quoique la guerre en plusieurs provinces ait condamné le cultivateur à l’impuissance durant les quatre derniers mois, il restera du temps pour racheter cette inaction. Février et mars peuvent toujours être consacrés aux labours préparatoires, au transport et à l’épandage des fumiers de ferme et des engrais, à l’ensemencement des céréales de printemps, blé, seigle, orge, avoine, maïs, des plantes fourragères et industrielles, betteraves, choux, carottes, lentilles, lin, colza de mars, œillette, tabac ; toutes ces graines peuvent même attendre jusqu’en avril, sans parler du sarrasin, qui se sème en mai. À ce propos, il sera bon de publier et de recommander une pratique assez nouvelle et contraire à nos habitudes, celle des semis clairs, qui a été adoptée par la Société des agriculteurs de France, sur le rapport de M. Vilmorin, non-seulement pour l’économie notable qu’elle entraîne, mais encore pour l’accroissement de production qui en résulte. Les cultivateurs, généralement trop peu difficiles sur la qualité de la semence, croient souvent qu’il suffit de s’en montrer prodigue pour assurer de brillantes moissons. C’est ainsi qu’on a coutume de répandre 2 ou 3 hectolitres de froment par hectare ; on va même quelquefois jusqu’à 5 hectolitres. Or la Société des agriculteurs estime que 50 litres suffisent en moyenne, surtout si la terre est bien préparée, et si la graine est répandue au semoir mécanique plutôt qu’à la volée. Essayé depuis peu d’années dans quelques grandes fermes du nord, ou l’on se loue du succès obtenu, ce procédé vient des Anglais, qui ont fait sur les rendemens des expériences curieuses et concluantes. Tandis que par exemple 2 hectolitres et demi de semence n’ont donné qu’un produit de 33 hectolitres, 64 litres seulement, répandus sur une surface égale et dans des conditions identiques, ont rendu 40 hectolitres. On a même récolté, mais c’est un résultat extraordinaire, 49 hectolitres de grain et 6,550 kilogrammes de paille avec 21 litres de semence. Ces chiffres et d’autres analogues sont enregistrés dans les meilleurs recueils agricoles d’outre-Manche ;