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aux cultivateurs du pays en accordant pour le paiement des facilités raisonnables. On souhaiterait qu’il se formât en France beaucoup de sociétés pareilles. On voudrait voir aussi de simples entrepreneurs, attirés par l’espoir d’un gain légitime, promener de ferme en ferme des semoirs, des faucheuses, tout l’attirail des diverses saisons, et se charger à prix débattu de l’exécution des travaux au moyen de leurs instrumens. Cela se fait déjà chez nous pour le battage des récoltes à la machine ; cela se fait en Angleterre pour le labourage à vapeur. Et que ceux qui s’inquiètent du sort des ouvriers des champs ne craignent pas que les découvertes du génie rural aient pour résultat de diminuer ou de supprimer les ressources que le pauvre demande au travail : ni en agriculture ni en industrie l’emploi des forces mécaniques n’est une question d’économie sur les salaires ; c’est une question de rendement meilleur et de meilleur traitement des produits. Les grandes exploitations rurales les mieux pourvues de machines occupent justement un plus grand nombre d’ouvriers et les paient mieux : c’est qu’elles produisent plus et rapportent davantage.


III.

Tout cela sera bien dans l’avenir, objectera-t-on ; mais s’est-on demandé ce que sont devenus les capitaux de l’agriculture ? Quand la dernière épargne est gravement compromise ou perdue, peut-on se procurer des machines, du bétail, même de l’engrais ? Aura-t-on seulement de quoi ensemencer la terre, si l’on n’a pu conserver de réserves ? Osera-t-on répondre du salaire des ouvriers et des gages du valet de ferme ? et pourra-t-on même assurer la nourriture des chevaux et des bœufs ? — Le capital manque en effet, surtout dans les provinces envahies. Il faudra cependant confier des fonds à l’agriculture pour arriver au moins à la moisson prochaine ; l’intérêt national l’exige. L’industrie, le commerce, demanderont au crédit les avances dont ils ont besoin et les obtiendront. L’agriculture pourra-t-elle, comme eux, recourir à cet unique moyen de salut ? Oui, si le gouvernement se hâte de faire disparaître de nos lois quelques articles qui consacrent des traditions plus vieilles que respectables, et dont on demande depuis longtemps l’abrogation ; — non, si ces mêmes articles subsistent. Quant aux institutions de crédit destinées par l’état à venir en aide aux cultivateurs, les essais qui ont été tentés sous le gouvernement impérial ont dû suffisamment édifier sur la nature des services qu’elles sont capables de rendre.

On sait qu’en matière d’emprunt le point le plus important est le