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partie de l’Allemagne. Voilà ce que je voudrais montrer en peu de mots.

L’histoire physique et ethnologique de la Prusse se confond avec celle de toutes les contrées placées au sud et au sud-est de la mer Baltique. Cette région fait partie d’une immense plaine plus ou moins ondulée qui de l’Océan-Atlantique s’étend jusqu’à la Mer-Noire avec une ligne de faîte si peu accusée qu’aux inondations annuelles de l’automne et du printemps le Priépetz, affluent du Dnieper, communique avec le Bug, affluent de la Vistule, et avec le Niémen. Le versant nord de cette plaine est essentiellement composé de sable et semé de blocs erratiques enlevés aux Alpes Scandinaves, qui reportent la formation de ces terrains à l’époque glaciaire. Un limon argileux distribué en larges plaques le fertilise par places, laissant de vastes espaces que couvrent des landes stériles et d’inépuisables tourbières qu’un travail opiniâtre peut seul transformer en champs cultivés. Sur ce sol à peine incliné, les eaux s’amassent en étangs, en lacs innombrables souvent alimentés ou mis en communication par des fleuves ou des rivières au lit sinueux, au cours lent, aux eaux rarement limpides. Un climat généralement humide est la conséquence naturelle de cet état de choses. Les vents du nord-est, s’ajoutant à l’influence de la latitude, prolongent et rendent plus rigoureux les hivers partout où ne se fait pas sentir l’action modératrice de la mer. Des forêts presque continues, et dont plusieurs contrées ont gardé de magnifiques restes, semblent avoir couvert presque toute cette région.

Aussi loin que pénètre l’histoire classique, deux grandes races, toutes deux appartenant à la souche aryenne, semblent se partager les terres que baigne la Baltique. À peine les écrivains de la Grèce et de Rome mentionnent-ils un troisième élément duquel nous aurons au contraire à tenir un grand compte. À l’ouest, la race germanique, représentée par les Saxons et les Angles, occupait les rivages de la mer, le Hanovre, le Holstein et une partie du Mecklembourg. En arrivant à l’Oder, elle se heurtait aux populations slaves. De ce contact sortit sans doute la race mixte des Vandales[1], qui, au iie siècle de notre ère, occupait le cours supérieur de l’Elbe, et dont le nom a laissé dans l’histoire une signification presque inutile à rappeler. Les Slaves, arrivés sur la Vistule à une époque préhistorique, en possédaient le bassin entier. Attaqués par les Goths, sortis de Suède vers le iiie siècle avant notre ère, ils perdirent l’embouchure du fleuve et une partie du littoral ; mais quatre siècles après ils prirent

  1. Les Vandales ont été rattachés tantôt au tronc germanique, tantôt à la souche slave. L’étymologie du mot semblerait au moins indiquer la prédominance de ce dernier élément ethnologique. (A. Maury.)